16-29 octobre 1996
France. Polémique autour de la reprise de Thomson
Le 16, le gouvernement annonce sa préférence pour l'offre de Lagardère Groupe, par rapport à celle d'Alcatel Alsthom, dans le cadre de la cession de gré à gré de Thomson. Cédé pour un franc symbolique, le groupe public d'électronique, dont les dettes s'élevaient à près de 24 milliards de francs à la fin de 1995, doit être préalablement recapitalisé par l'État pour un montant de 11 milliards de francs. Ce choix doit être ratifié par la Commission de privatisation. Le gouvernement justifie sa décision par la perspective de favoriser ainsi la création du deuxième groupe mondial d'électronique de défense, de satellites et de missiles, derrière l'américain Lockheed-Martin-Loral. Le groupe de Jean-Luc Lagardère propose de fusionner les activités de défense de Thomson C.S.F. avec celles de Matra Défense Espace au sein d'une nouvelle société, Thomson-Matra, créditée de 62 milliards de francs de chiffre d'affaires et dont le capital serait détenu à 60 p. 100 par Lagardère Groupe. L'État conserverait une action préférentielle qui lui permettrait de sauvegarder les intérêts de défense nationale. Dans le cadre de cet accord, Thomson Multimédia (T.M.M.), qui rassemble les activités d'électronique grand public du groupe, devrait être cédé pour un franc symbolique au groupe sud-coréen Daewoo Electronics. Celui-ci s'engagerait à prendre à sa charge une partie des 13,8 milliards de francs de dettes de T.M.M., à rééquilibrer la société et à créer cinq mille emplois en France. Si la « logique industrielle et militaire » qui a présidé au choix de Lagardère Groupe par le gouvernement est l'objet d'appréciations diverses, la cession de T.M.M. à Daewoo soulève un tollé tant dans les milieux syndicaux qu'industriels.
Le 23, le Parti socialiste, hostile par principe à la privatisation de Thomson, demande « solennellement » au gouvernement d'en arrêter le processus et réclame la constitution d'une commission d'enquête parlementaire. Le Premier ministre Alain Juppé répond aux critiques relatives à la cession de T.M.M. en déclarant que cette société « ne vaut rien », ce que conteste son P.-D.G.
Le 28, Jean-Luc Lagardère est mis en examen pour abus de biens sociaux dans le cadre d'une plainte déposée en décembre 1992 par un actionnaire minoritaire et relative au mode de rémunération des dirigeants du groupe. L'intéressé rendra publique cette mise en examen le 2 novembre.
Le 29, Alain Juppé annonce devant l'Assemblée nationale l'organisation d'un débat parlementaire sur la privatisation de Thomson à l'issue de l'avis qui doit être rendu par la Commission de privatisation.