16-31 janvier 1991
Début de l'opération Tempête du désert
Le 16, à 0 heure, heure de New York, s'achève le délai accordé à l'Irak le 29 novembre 1990 par la résolution 678 du Conseil de sécurité de l'O.N.U. pour évacuer le Koweït. La mise en œuvre de « tous les moyens nécessaires » pour obtenir l'application des résolutions relatives à la crise du Golfe est désormais autorisée.
Le 17, la coalition anti-irakienne engage l'opération « Tempête du désert ». À partir de 2 h 40, heure locale, des objectifs militaires irakiens et koweïtiens sont la cible d'intenses bombardements et de tirs de missiles des forces aériennes américaine, britannique, française, koweïtienne et saoudienne ainsi que de la marine américaine. Un peu plus tard, dans une conférence de presse, le président George Bush affirme : « Notre objectif n'est pas la conquête de l'Irak. C'est la libération du Koweït [...]. Nous avons devant nous la chance de forger [...] un nouvel ordre mondial. » Il se déclare très satisfait des opérations qui se déroulent comme prévu. Au cours de ces premiers raids aériens, les coalisés perdent sept avions. La totalité des pertes des forces aériennes alliées durant le mois s'élève à vingt-cinq appareils et quarante et un aviateurs tués ou disparus.
Le 18, l'Irak attaque Israël. Peu après 2 heures, plusieurs missiles sol-sol de fabrication soviétique de type Scud équipés de charges conventionnelles tombent sur Tel Aviv et Haïfa, ne faisant que des blessés légers. Un Scud tiré contre l'Arabie Saoudite est détruit par un missile antimissile américain Patriot. Pressées par les coalisés, les autorités israéliennes acceptent de ne pas répondre à la provocation irakienne tout en se réservant le droit de répliquer « comment, où et quand » elles le décideront. Les Américains fournissent, le 20, des rampes de missiles Patriot à l'État hébreu et décident de dépêcher un septième porte-avions en Méditerranée orientale. Vingt-huit Scud sont tirés pendant le mois contre Israël, faisant deux morts et deux cents blessés, et vingt-six contre l'Arabie Saoudite, faisant un mort et cinquante blessés.
Le 18 également, dressant le bilan de la première journée de l'offensive alliée, le général américain Norman Schwartzkopf, commandant en chef des forces alliées dans le Golfe, affirme que 80 p. 100 des objectifs ont été atteints. Dans les premières vingt-quatre heures du conflit, sept attentats non meurtriers sont commis contre des intérêts américains dans le monde. Soixante-dix attentats au total se produisent au cours du mois contre les pays de la coalition anti-irakienne sans que le phénomène n'atteigne jamais une ampleur déterminante.
Le 20, des aviateurs prisonniers appartenant aux forces coalisées sont exhibés à des fins de propagande à la télévision irakienne. Les mauvais traitements dont ils ont apparemment été l'objet ainsi que l'annonce par Bagdad, le 21, de leur détention comme « boucliers humains » sur des sites stratégiques en Irak soulèvent une vive émotion parmi les pays de la force internationale. Certains de ceux-ci décident, les jours suivants, l'arrestation ou l'expulsion de ressortissants irakiens présents sur leur territoire.
Le 21, un pilote américain tombé en territoire irakien est récupéré au terme d'une opération de sauvetage de huit heures. Les raids aériens menés contre l'Irak et le Koweït à partir de la Turquie et de l'Arabie Saoudite se poursuivent au rythme quotidien de quelques centaines à quelques milliers. Les attaques « chirurgicales » contre des objectifs stratégiques – première phase de l'offensive – se mêlent dans une seconde phase à des pilonnages moins précis et plus meurtriers, par des B-52. Ce sont alors les positions de la garde républicaine, unité d'élite de Saddam Hussein stationnée dans le sud de l'Irak, qui sont principalement visées. Toutefois, réalisant que les destructions ne sont pas aussi étendues que ce qu'il était attendu, en raison notamment de l'utilisation probable de leurres par l'Irak, les états-majors alliés commencent à annoncer que la guerre sera longue.
Le 22, le sabotage par l'Irak d'installations pétrolières koweïtiennes est constaté. À Bagdad, le Parlement irakien incite les Arabes et les musulmans à s'en prendre aux intérêts des Alliés dans le monde.
Le 23, le président Bush se déclare satisfait des résultats de la première semaine de guerre et annonce sa volonté d'éliminer l'armée et le régime de Saddam Hussein. De leur côté, le secrétaire d'État à la Défense Richard Cheney et le chef d'état-major Colin Powell dressent un bilan plus nuancé des pertes subies par l'Irak. En outre, le porte-parole de la Maison-Blanche, Marlin Fitzwater, met en garde contre la propagande irakienne faite par le biais de la chaîne de télévision américaine C.N.N., la seule depuis le 19 à être autorisée à émettre depuis Bagdad, qui soumet ses reportages à la censure.
Le 24, les forces américaines conquièrent l'îlot koweïtien de Qurah, situé à 25 kilomètres des côtes de l'émirat. La première attaque aérienne irakienne contre des navires alliés dans le Golfe se solde par un échec. Toutefois, Marlin Fitzwater déclare que la guerre durera « probablement plusieurs mois ». De son côté, le Japon porte de 4 à 13 milliards de dollars sa contribution à la force internationale. Pour la première fois depuis 1945, il intervient dans un conflit en décidant d'envoyer dans la région des appareils militaires de transport pour évacuer les réfugiés.
Le 25, Américains et Irakiens se rejettent la responsabilité d'avoir provoqué une marée noire dans le Golfe à partir des installations pétrolières koweïtiennes d'Al Ahmadi et du terminal de Sea Island. Celle-ci pourrait menacer les usines de dessalement de l'eau de mer de certains pays riverains et gêner l'organisation d'opérations amphibies sur les côtes koweïtiennes. Les jours suivants, des mesures sont prises par les Alliés pour lutter contre l'extension de la nappe de pétrole. Une seconde marée noire est constatée le 30. Tandis que la Syrie dénonce les bombardements irakiens sur Israël, le président iranien Hachemi Rafsandjani rejette les appels des « durs » du régime à entrer en guerre aux côtés de l'Irak en renvoyant dos à dos Bagdad et Washington. L'Arabie Saoudite et le gouvernement koweïtien en exil annoncent chacun une contribution au conflit de 13,5 milliards de dollars.
Le 26, plusieurs chasseurs-bombardiers irakiens se posent en Iran. Ils sont plus d'une centaine à les imiter les jours suivants. Téhéran réaffirme sa « neutralité » et annonce qu'il saisit ces avions « jusqu'à la fin de la guerre » tout en décidant d'apporter une aide alimentaire et médicale à l'Irak.
Le 28, invoquant principalement la guerre du Golfe, Washington et Moscou décident « d'un commun accord » de repousser le sommet américano-soviétique initialement prévu du 11 au 13 février. Dans une interview à C.N.N., Saddam Hussein affirme qu'il serait prêt à utiliser des Scud dotés de têtes nucléaires, chimiques et biologiques.
Le 29, à Washington, les chefs des diplomaties américaines et soviétiques, James Baker et Alexandre Bessmertnykh, signent une déclaration commune dont la portée est par la suite minimisée par les États-Unis. Elle évoque l'établissement de « la stabilité au Proche-Orient » et envisage une cessation des hostilités si l'Irak s'engageait sans équivoque à se retirer du Koweït. La guerre du Golfe est au centre du message sur l'état de l'Union délivré devant le Congrès par le président Bush. Les forces coalisées entament la troisième phase de l'offensive en bombardant intensément les premières lignes de défense irakiennes au Koweït afin de couper celles-ci de l'Irak. Dans la nuit, des unités irakiennes pénètrent de 10 kilomètres en territoire saoudien et s'emparent de la ville frontière de Khafji. Par ailleurs, l'Allemagne annonce qu'elle porte sa contribution à la force internationale de 5,3 à 10,8 milliards de dollars.
À partir du 29 et jusqu'au 31, des forces de l'O.L.P., qui soutient l'Irak, tirent des roquettes contre Israël depuis le sud du Liban. L'État hébreu accuse l'O.L.P. de vouloir ouvrir un « deuxième front » dans la ceinture de sécurité qu'il occupe en territoire libanais. Tsahal riposte en bombardant les positions palestiniennes de la région.
Le 30, au large de l'île de Boubiyan, la marine alliée détruit sept bâtiments irakiens. Un appareil de surveillance électronique et de brouillage américain de type C-130 Hercules avec quatorze personnes à son bord est abattu au-dessus de l'Irak.
Le 31, la ville de Khafji est reconquise par les forces alliées au terme de trente-six heures de combats meurtriers ; de nouvelles colonnes de blindés irakiens se dirigeant vers la frontière saoudienne sont stoppées. Le président Bush déclare que le moment n'est pas encore venu d'engager un conflit au sol.