16 octobre-2 novembre 2020
France. Assassinat du professeur d’histoire Samuel Paty
Le 16, un professeur d’histoire du collège du Bois-d’Aulne, à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), Samuel Paty, est tué à l’arme blanche et décapité près de son lieu de travail par un homme qui est rattrapé et abattu par la police. L’assaillant est un jeune Russe d’origine tchétchène, Abdouallakh Abouyezidovitch Anzorov, dont les parents ont obtenu l’asile politique en France en 2011. Au cours des jours précédents, Samuel Paty avait été pris à partie par un parent d’élève, après avoir montré des caricatures de Mahomet dans le cadre d’un cours d’éducation civique consacré à la liberté d’expression. Cette mise en cause avait été largement relayée sur les réseaux sociaux. Le parent d’élève avait déposé plainte pour « diffusion d’images pornographiques » et Samuel Paty avait fait de même, pour « diffamation publique ». L’enquête montrera que la radicalisation de l’assaillant s’était fortement accentuée depuis l’attentat perpétré devant l’ancienne adresse de Charlie Hebdo, en septembre, et que celui-ci avait tenté depuis cette date d’approcher d’autres cibles potentielles. Le soir même, le président Emmanuel Macron se rend sur les lieux du drame, promettant que « les actes […] seront là, avec fermeté, rapides ».
Le 18, des dizaines de milliers de personnes se rassemblent à travers le pays pour rendre hommage au professeur exécuté.
Le 19, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin demande la dissolution de groupes qualifiés d’« ennemis de la République » comme le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), qui aurait participé à la campagne de dénigrement lancée contre Samuel Paty, et l’organisation humanitaire BarakaCity. Il réclame la fermeture de la mosquée de Pantin (Seine-Saint-Denis) dont un imam aurait relayé une vidéo hostile au professeur assassiné ; elle sera fermée le 21 sur décision administrative, pour une durée de six mois. Il annonce également l’expulsion d’étrangers inscrits au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste. Le 28, le Conseil des ministres ordonnera la dissolution de l’organisation BarakaCity et, le 2 décembre, celle du CCIF, qui s’était reconstitué en Belgique dès le 1er novembre sous le nom de Collectif contre l’islamophobie en Europe.
Le 21, un hommage national est rendu à Samuel Paty dans la cour de l’université de la Sorbonne, à Paris. « Samuel Paty est devenu vendredi le visage de la République », déclare Emmanuel Macron qui affirme également : « Nous ne renoncerons pas aux caricatures. » Ce dernier propos entraînera la réprobation de plusieurs autorités politiques ou religieuses de pays musulmans, ainsi que des appels à manifester et à boycotter les produits français dans ces mêmes pays.
Le 21 également, sept personnes sont mises en examen dans le cadre de l’enquête. Le parent d’élève Brahim Chnina, l’islamiste intégriste franco-marocain Abdelhakim Sefrioui, qui l’a encouragé dans sa démarche, ainsi que deux amis de l’assaillant sont poursuivis pour « complicité d’assassinat terroriste » ; un autre de ses proches pour « association de malfaiteurs terroriste en vue de commettre des crimes d’atteintes aux personnes » ; les deux collégiens mineurs accusés d’avoir désigné contre rémunération l’enseignant à l’assaillant sont mis en examen pour « complicité d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste » et laissés libres sous contrôle judiciaire.
Le 22, le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer, interrogé sur une chaîne de radio, dénonce l’« islamo-gauchisme » qui « fait des ravages à l’université », s’en prenant à l’Union nationale des étudiants de France (UNEF) et à La France insoumise.
Le 31, dans un entretien à la chaîne qatarie Al-Jazira, Emmanuel Macron déclare comprendre que les musulmans puissent être « choqués » par les caricatures de Mahomet, mais affirme que la France « n’a de problème avec aucune religion ».
Le 2 novembre, jour de rentrée scolaire après les vacances de la Toussaint, la lettre de Jean Jaurès aux instituteurs parue dans La Dépêche en janvier 1888 est lue dans toutes les classes et une minute de silence est observée.