1er-17 février 2011
France. Fronde des magistrats
Le 1er, le corps d’une jeune femme disparue le 18 janvier près de Pornic (Loire-Atlantique) est retrouvé. Cette découverte conforte les soupçons qui pèsent sur le principal suspect mis en examen depuis le 22 janvier pour enlèvement suivi de mort.
Le 3, le président Sarkozy appelle à sanctionner les « dysfonctionnements graves côté police et côté justice » qui auraient permis la remise en liberté sans surveillance ni contrôle, en février 2010, du suspect, un homme déjà condamné plusieurs fois. Réagissant vivement à ces propos qui les mettent en cause, les magistrats de Nantes (Loire-Atlantique) votent « une semaine sans audience ». Ils rappellent que le suspect a été libéré après avoir purgé sa peine, que son suivi judiciaire n'avait été ordonné qu'à la suite d'une peine pour outrage à magistrat – et non pour viol en récidive –, mais que, faute de personnel, ce suivi n'a pas été appliqué. L'Ordre des avocats de Nantes ainsi que des syndicats de policiers et de personnels pénitentiaires soutiennent le mouvement.
Le 4, l'Union syndicale des magistrats – majoritaire – lance un appel national à la suspension des audiences jusqu'au 10. De hauts magistrats dénoncent « la tentation de reporter sur les magistrats et les fonctionnaires [...] la responsabilité des difficultés de fonctionnement » des tribunaux.
Le 10, près de dix mille magistrats, agents des services pénitentiaires et policiers manifestent dans les grandes villes pour réclamer des moyens supplémentaires, tandis que le mouvement de protestation gagne près de cent soixante-dix tribunaux sur cent quatre-vingt-quinze. Interrogé dans le cadre de l'émission de télévision « Paroles de Français », Nicolas Sarkozy maintient ses propos, accuse les magistrats de vouloir gagner davantage alors qu'ils jouissent d'un statut privilégié et exclut tout renforcement des moyens de la justice.
Le 11, plusieurs tribunaux votent la reconduction du mouvement.
Le 14, les rapports des inspections générales des services judiciaires et des services pénitentiaires, remis au garde des Sceaux, ne font état d'aucune faute personnelle des juges ni des conseillers d'insertion et de probation dans le traitement du dossier en question, mais ils mettent en lumière une succession d'erreurs dues essentiellement à des situations de sous-effectif. Ils concluent à une « responsabilité [...] collective ». Les policiers et gendarmes sont également mis hors de cause par les rapports de leurs inspections générales respectives. Les syndicats de magistrats appellent à la reprise du travail.
Le 17, le ministère de la Justice annonce qu'il met fin aux fonctions du directeur interrégional des services pénitentiaires de Rennes (Ille-et-Vilaine). Les syndicats dénoncent la désignation d’un « bouc émissaire ».