1er-30 septembre 1986
France. Attentats terroristes à Paris et renforcement des mesures de sécurité
Le 1er, un texte manuscrit parvient à l'Agence France-Presse, signé par le Comité de solidarité avec les prisonniers politiques arabes et du Proche-Orient (C.S.P.P.A.). Ce mouvement terroriste, qui a revendiqué plusieurs attentats en février et en mars, réclame la libération de trois terroristes détenus en France : il serait selon la police une résurgence d'un autre groupe terroriste, les Fractions armées révolutionnaires libanaises (F.A.R.L.), dont le chef présumé, Georges Ibrahim Abdallah, a été condamné le 10 juillet dernier à quatre ans de prison.
Le 4, vers 18 h 30, un engin explosif est découvert dans un wagon du R.E.R. Saint-Germain-en-Laye-Boissy-Saint-Léger à la station Gare-de-Lyon. La bombe n'aurait pas explosé en raison d'un mauvais fonctionnement du détonateur. Le ministère de l'Intérieur renforce la surveillance et la protection des lieux publics et demande à « la population [de] se montrer vigilante et solidaire pour la défense des libertés républicaines ». Cette tentative d'attentat est revendiquée de Beyrouth par le C.S.P.P.A., qui menace de « poursuivre son action ».
Le 8, une personne est tuée et dix-huit autres blessées par l'explosion d'une bombe dans le bureau de poste situé au rez-de-chaussée de l'Hôtel de Ville, juste avant la fermeture, vers 19 heures. Jacques Chirac, qui présidait une réunion du Conseil de sécurité intérieure, se rend sur les lieux de l'attentat, puis fait une déclaration à l'hôtel Matignon, dans laquelle il se déclare prêt à engager « une véritable guerre » contre cette « lèpre qu'est le terrorisme ». Tandis que parmi les responsables politiques, l'union nationale se fait autour du pouvoir face à la menace terroriste, le gouvernement, selon la presse, hésite encore entre une politique de fermeté et la possibilité d'une négociation souterraine.
Cependant, le 10, Édouard Balladur, invité de L'Heure de vérité sur Antenne 2, affirme qu'il faut « combattre par tous les moyens » le terrorisme, qualifié de « mal absolu ».
Le 12, peu avant 12 h 30, une bombe explose à la cafétéria du magasin Casino, au deuxième étage du centre commercial des Quatre-Temps, dans le quartier de la Défense. Quarante et une personnes sont blessées. Cet attentat et celui de la poste de l'Hôtel de Ville sont revendiqués par le C.S.P.P.A., qui multiplie les communiqués menaçants, mais aussi par une organisation inconnue jusqu'alors, les Partisans du droit et de la liberté (P.D.L.).
Le 14, peu avant 17 h 30, une bombe explose dans les sous-sols du Pub Renault, tuant deux gardiens de la paix et blessant grièvement un maître d'hôtel de l'établissement. Ces derniers avaient transporté au sous-sol un paquet suspect abandonné par un client. Quelques instants plus tard, Jacques Chirac, qui participe au Grand Jury R.T.L.-Le Monde, annonce une série de mesures pour lutter contre le terrorisme : obligation d'un visa, pendant six mois, pour l'entrée en France de tout étranger originaire d'un pays autre que ceux de la C.E.E. ou que la Suisse ; participation des militaires aux contrôles aux frontières et à la sécurité des aéroports ; surveillance accrue à l'entrée de tous les lieux publics. Le Premier ministre promet aussi que « ceux qui manipulent les terroristes », s'ils sont découverts, « seront l'objet de rétorsions draconiennes ».
Le 15, peu avant 14 heures, une personne est tuée et cinquante et une autres blessées par l'explosion d'une bombe dans la salle de délivrance des permis de conduire, au rez-de-chaussée de la préfecture de police, dans l'île de la Cité. Cet attentat a eu lieu en dépit de la fouille des visiteurs à l'entrée.
Le 16, le ministère de l'Intérieur annonce qu'une prime de un million de francs sera offerte à toute personne susceptible de fournir des renseignements valables sur les auteurs des attentats. D'autre part, il est décidé d'afficher dans les rues les photos de Maurice et Robert Ibrahim Abdallah, deux des frères de Georges emprisonné en France : Robert aurait été identifié par les témoins comme le poseur de bombes de la cafétéria de la Défense.
Le 17, à 17 h 25, cinq personnes sont tuées et cinquante-trois autres blessées par l'explosion d'une bombe devant le magasin Tati de la rue de Rennes ; deux des blessés mourront peu après. Selon les témoins, le passager avant d'une B.M.W. noire était descendu déposer un paquet dans une poubelle quelques instants avant l'explosion. Deux témoins affirment même reconnaître l'homme dans la photo d'Émile Ibrahim Abdallah que leur montrent les policiers. Pourtant, à peu près à l'heure de l'attentat, Maurice et Robert donnaient une conférence de presse à Tripoli, au nord du Liban, pour clamer leur innocence et le lendemain, vers 13 heures, Émile apparaît dans son village de Kobayat, affirmant rentrer de son travail. Joseph, le frère aîné, considéré comme le chef du clan, affirme même que la famille Abdallah est prête à accueillir une commission d'enquête française.
Le 18, à l'ouverture des journaux télévisés de 20 heures, Jacques Chirac s'adresse au pays ; il confirme son intention de « ne céder en aucun cas au chantage » et déclare : « Les assassins, je vous l'assure, ne nous échapperont pas. » Les dirigeants des partis politiques et des groupes parlementaires sont reçus, le 19, à l'hôtel Matignon. L'opposition continue de s'abstenir de critiquer le gouvernement. Jacques Chirac informe ensuite François Mitterrand, à son retour d'Indonésie.
Le 22, Mgr Hilarion Capucci, ancien vicaire patriarcal grec catholique de Jérusalem, considéré comme proche de l'O.L.P. et du président syrien Hafez el-Assad, rencontre Georges Ibrahim Abdallah dans sa cellule de la prison de la Santé. Auparavant et à la suite de cette visite, il s'entretient à plusieurs reprises avec Robert Pandraud, ministre délégué chargé de la Sécurité. Cette « mission de bons offices » est critiquée dans la majorité comme dans l'opposition et l'Élysée s'étonne des « facilités exceptionnelles » accordées au prélat. Les voyages à Damas de Michel Aurillac, ministre de la Coopération, le 23, et de Bernard Gérard, directeur de la D.S.T., le 26, sont également critiqués alors que la Syrie est de plus en plus mise en cause par les enquêtes policières.
Le 24, Jacques Chirac, devant l'Assemblée générale des Nations unies à New York, dénonce la « lèpre du terrorisme » et critique, en termes généraux, « la complicité d'États qui acceptent de fermer les yeux sur les activités d'organisations terroristes ou n'hésitent pas à les utiliser à leur profit, quand ils ne les encouragent pas ». Mais, dans la conférence de presse qu'il tient ensuite, le Premier ministre affirme qu'il n'existe aucune preuve de l'implication d'un État dans la vague d'attentats de Paris.
Le 30, Mgr Capucci, en quittant Paris, exprime son amertume devant la réaction de la classe politique face à sa tentative de bons offices. Bien que les attentats aient cessé, le gouvernement décide le maintien de toutes les mesures de sécurité et annonce la suppression des congés de tous les policiers jusqu'au 15 octobre.