2-21 avril 1986
États-Unis - Libye. Attentats libyens contre les pays occidentaux
Le 2, une bombe explose à l'intérieur d'un Boeing 727 de la T.W.A., au moment où il survole la Grèce : quatre passagers de nationalité américaine sont projetés dans le vide. L'avion réussit à se poser sur l'aéroport d'Athènes. L'attentat est revendiqué par une organisation palestinienne inconnue jusqu'alors, les Cellules révolutionnaires arabes d'Al-Kassam.
Le 2 également, un attentat contre le consulat américain à Paris est déjoué grâce à l'arrestation par la police française de quatre personnes, deux diplomates libyens, un Algérien et un Tunisien, qui sont expulsées.
Le 5, une discothèque de Berlin-Ouest est dévastée par l'explosion d'une bombe de forte puissance. Deux personnes sont tuées et deux cent trente blessées : un mort et soixante-dix-neuf blessés sont des soldats américains, dont la discothèque était un des principaux lieux de rendez-vous à Berlin. Les jours suivants, les services de renseignement américains et ouest-allemands mettent directement en cause la responsabilité de la Libye dans cet attentat : le 9, deux diplomates libyens sont expulsés de R.F.A. La tension monte entre Washington et Tripoli : l'administration Reagan envisage ouvertement des représailles militaires contre la Libye et tente de convaincre ses alliés européens de s'y associer.
Le 14, les ministres des Affaires étrangères de la C.E.E., réunis à La Haye, demandent aux États-Unis et à la Libye de « faire preuve de modération » afin d'éviter une « nouvelle escalade des tensions militaires » en Méditerranée.
Le 15, à deux heures du matin, heure locale, une vingtaine de bombardiers américains F-111 attaquent plusieurs objectifs à Tripoli, tandis que d'autres appareils venant des porte-avions America et Coral Sea en manœuvre en Méditerranée lancent un raid sur Benghazi. Les F-111 ont décollé de bases américaines en Grande-Bretagne, grâce à l'autorisation donnée pour leur utilisation par Margaret Thatcher, mais ils ont dû faire un long détour en raison du refus de la France et de l'Espagne d'autoriser le survol de leur territoire. Moins d'une heure après la fin de l'opération, le président Reagan, dans une longue allocution télévisée, affirme qu'il s'agit d'une « action préventive contre des installations terroristes » libyennes. Ces attaques aériennes provoquent d'importantes destructions et les autorités libyennes font état de trente-sept morts à Tripoli, dont la fille adoptive du colonel Kadhafi, âgée de quinze mois. Washington annonce la perte d'un F-111 avec ses deux pilotes.
À l'étranger, les réactions à ce raid de représailles sont plutôt critiques. Seuls l'opinion américaine et les membres du Congrès approuvent dans leur majorité, tandis que, dans les pays de la C.E.E., à l'exception de la Grande-Bretagne, les réactions gouvernementales vont de la réserve à l'hostilité. Les pays du monde arabe condamnent, avec plus ou moins de violence, l'action américaine. L'U.R.S.S., dans une déclaration très virulente, dénonce ce « nouveau crime monstrueux », mais se contente d'annuler la rencontre entre Edouard Chevardnadze et George Shultz, qui venait d'être annoncée pour la mi-mai afin de préparer un sommet Reagan-Gorbatchev.
Cependant, une psychose des attentats se répand dans les pays occidentaux : les mesures de sécurité sont renforcées tandis que les alertes à la bombe se multiplient. D'autre part, la vague d'annulations de séjours touristiques d'Américains en Europe, et en particulier en France, s'amplifie.
Le 16, le colonel Kadhafi déclare dans une allocution télévisée qu'il renonce à toute escalade militaire, mais affirme que : « Reagan et Thatcher sont des assassins d'enfants et doivent être traduits comme tels devant des tribunaux pour crimes de guerre. » George Shultz, secrétaire d'État américain, réplique, le 17, en déclarant qu'« un coup d'État à Tripoli serait une bonne chose », alors que des fusillades ont eu lieu la veille à Tripoli et qu'elles ont été interprétées par les services de renseignement américains comme des affrontements entre « mutins ».
Le 17, au Liban, trois corps sont retrouvés dans la montagne du Chouf, à l'est de Beyrouth. Ce sont ceux d'un otage américain, Peter Kilburn, enlevé en décembre 1984, et de deux enseignants britanniques enlevés le 28 mars. Est également annoncé l'assassinat d'un troisième otage britannique, Alec Collett, enlevé en mars 1985. Ces représailles contre des Britanniques ne font qu'amplifier les critiques adressées à Margaret Thatcher par l'opposition parlementaire, mais aussi par sa majorité, ainsi que par l'opinion britannique.
Le 17 également, à Londres, une bombe de forte puissance est découverte dans le bagage d'une jeune Irlandaise qui s'apprêtait à embarquer dans un Boeing 747 d'El Al, à destination de Tel-Aviv, avec quatre cents passagers à bord. Un Jordanien, qui avait fourni la bombe à la jeune femme à son insu, est arrêté le 18.
Le 21, les ministres des Affaires étrangères des Douze, réunis à Luxembourg, décident de réduire le nombre des « diplomates » libyens et leurs activités. Les jours suivants, les expulsions de ressortissants libyens se multiplient dans la plupart des pays de la Communauté européenne, et Tripoli réplique en expulsant à son tour plusieurs dizaines d'Européens.