2-24 avril 2013
France. Mise en place d'une moralisation de la vie publique
Le 2, l'ancien ministre du Budget Jérôme Cahuzac, qui a démissionné en mars après l'ouverture par le parquet de Paris d'une information judiciaire pour blanchiment de fraude fiscale, reconnaît devant les juges instruisant le dossier qu'il est le bénéficiaire depuis une vingtaine d'années d'un compte bancaire non déclaré de 600 000 euros à l'étranger – en Suisse puis à Singapour –, alimenté par les revenus de sa clinique privée et de ses activités de lobbying au profit de laboratoires pharmaceutiques. Il avait jusqu'alors rejeté – y compris devant l'Assemblée nationale – cette accusation émise en décembre 2012 par le site d'information Mediapart. Jérôme Cahuzac est aussitôt mis en examen pour « blanchiment de fonds » et « blanchiment de fraude fiscale ». Dans un communiqué, il demande « pardon » au chef de l'État, au Premier ministre et à ses anciens collègues du gouvernement, déclarant s'être « fourvoyé » dans « une spirale du mensonge ». Le président François Hollande évoque une « impardonnable faute morale ». Dans l'opposition, le président de l'U.M.P. Jean-François Copé déclare que le scandale « signe définitivement la fin de la gauche morale » et le président du groupe U.M.P. à l'Assemblée nationale Christian Jacob affirme avoir « du mal à imaginer que Hollande et Ayrault n'aient pas été au courant de la situation ». De son côté, le coprésident du Parti de gauche Jean-Luc Mélenchon déclare: « Un monde de menteurs, de fuyards du fisc et de cyniques révèle son existence. Du balai! »
Le 3, François Hollande présente dans une allocution télévisée une série de propositions visant à moraliser la vie politique: renforcement de l'indépendance de la justice par une réforme du Conseil supérieur de la magistrature; lutte contre les conflits d'intérêts par la publication et le contrôle du patrimoine des ministres et des parlementaires; interdiction de tout mandat public pour les élus reconnus coupables de fraude fiscale ou de corruption.
Le 9, le bureau national du Parti socialiste décide l'exclusion de Jérôme Cahuzac.
Le 10, François Hollande présente en personne, à l'Élysée, le dispositif visant à renforcer la transparence de la vie politique, décidé en Conseil des ministres. Il propose le remplacement de la Commission pour la transparence financière de la vie politique par une Haute Autorité aux pouvoirs renforcés, chargée de recueillir et de contrôler les déclarations de patrimoine, d'intérêts et d'activités – qui seront rendues publiques – des ministres, parlementaires, membres de cabinets, hauts fonctionnaires, responsables d'exécutifs locaux, dirigeants d'entreprises publiques. Le chef de l'État prévoit également l'interdiction du cumul d'un mandat de parlementaire avec l'exercice de certaines activités professionnelles, afin de prévenir le risque de conflit d'intérêts – certains cumuls sont déjà proscrits. Enfin, François Hollande propose la création d'un parquet national chargé de traiter les grandes affaires de criminalité financière – des parquets financiers interrégionaux existent déjà. De nombreux parlementaires, et notamment le président socialiste de l'Assemblée nationale Claude Bartolone, dénoncent le projet de publication de leur patrimoine.
Le 15, les déclarations de patrimoine des ministres sont publiées sur le site Internet du gouvernement.
Le 16, Jérôme Cahuzac évoque sa « part d'ombre » dans un entretien télévisé en forme de confession.
Le 24, le gouvernement adopte trois projets de loi relatifs à la « transparence de la vie publique » et à la « lutte contre la grande délinquance économique et financière et les paradis fiscaux ». La décision propre à la création d'un parquet financier national est reportée à mai.