2-25 juillet 2001
France. Polémique autour de l'affaire des voyages de Jacques Chirac
Le 2, le procureur de la République à Paris, Jean-Pierre Dintilhac, estime, dans un rapport transmis au parquet général, que « rien ne s'oppose, en droit », à l'audition du président Chirac comme témoin assisté. L'affaire, révélée en juin, concerne le paiement en espèces de voyages effectués par le chef de l'État – alors maire de Paris – et ses proches entre 1992 et 1995. Le magistrat avait été saisi par les juges chargés de l'enquête sur les marchés des lycées d'Île-de-France, qui s'interrogeaient sur les relations possibles entre les deux dossiers. En mars, Jacques Chirac avait refusé de répondre à une convocation, en tant que simple témoin, du juge chargé de l'instruction du dossier des marchés des H.L.M. de Paris.
Le 4, le Premier ministre, Lionel Jospin, demande au premier président de la Cour des comptes, François Logerot, de lui remettre, d'ici à la fin de l'année, un rapport en vue du « réexamen d'ensemble » du système des fonds spéciaux, qui avait été invoqué par le président Chirac, en juin, pour justifier le paiement des billets d'avion en liquide.
Le 9, le procureur général, Jean-Louis Nadal, conteste l'avis du procureur de Paris sur la possible convocation de Jacques Chirac comme témoin assisté, en contradiction, selon lui, avec le statut pénal du chef de l'État tel que le Conseil constitutionnel l'avait défini dans un arrêt de janvier 1999.
Le 9 également, les présidents des groupes R.P.R., U.D.F. et D.L. à l'Assemblée nationale annoncent le dépôt d'une proposition de loi « portant suppression des fonds spéciaux ».
Le 10, le président Chirac réitère son refus de répondre à une convocation « qui serait contraire au principe de la séparation des pouvoirs comme aux exigences de la continuité de l'État ». Le même jour, les juges chargés de l'enquête sur les billets d'avion payés en liquide entendent, comme témoin, Maurice Ulrich, sénateur (R.P.R.), conseiller à l'Élysée et ancien directeur de cabinet de Jacques Chirac à Matignon; le 11, c'est au tour de la fille du chef de l'État, Claude Chirac, également conseillère de la présidence, d'être appelée à témoigner.
Le 14, interrogé sur cette affaire lors de l'entretien télévisé accordé à l'occasion de la fête nationale, le chef de l'État dénonce « le soupçon, la rumeur, la manipulation, la présomption de culpabilité érigée en système ». Contestant le montant de la somme évoquée pour ces voyages, il affirme que nombre d'entre eux ne peuvent lui être attribués. Il précise que les factures ont été payées avec des « indemnités personnelles » – dont il ne précise pas l'origine – et non avec « un reliquat de fonds secrets »; il justifie les règlements en espèces par « des raisons de discrétion et de sécurité ». Il justifie, en outre, le recours aux fonds spéciaux par la « tradition », tout en estimant qu'il faut en « changer le système ».
Le 17, les juges chargés de l'enquête sur les marchés des lycées d'Île-de-France se déclarent incompétents pour poursuivre l'instruction de faits mettant en cause le chef de l'État, en application de l'avis du procureur général sur la question. Ils notent cependant « l'existence d'indices rendant vraisemblable la participation de Jacques Chirac » aux infractions dont ils sont saisis.
Le 18, Matignon rend publique la répartition des 234 millions de francs de fonds spéciaux – hors financement des services secrets – votés par le Parlement pour 2001, auxquels s'ajoutent 50,5 millions de « dépenses accidentelles » revenant à la présidence de la République, qui dispose finalement de 30 p. 100 de la totalité de ces sommes.
Le 25, le bureau de l'Assemblée nationale autorise la transmission aux juges chargés de l'enquête sur les marchés d'Île-de-France des déclarations de patrimoine effectuées par Jacques Chirac en 1988 et en 1993. La veille, l'Élysée avait fait savoir que les indemnités utilisées pour régler ces voyages en espèces ne pouvaient, « par nature », être déclarées.