2-28 juin 1989
Chine. Violente répression de la contestation étudiante
Dans la nuit du 2 au 3, la population de Pékin manifeste dans les rues, empêchant de nouveau des centaines de soldats sans armes d'atteindre la place Tiananmen où campent encore des milliers d'étudiants. Si aucune violence n'est à déplorer, la tension est de plus en plus vive.
Dans la nuit du 3 au 4, l'armée intervient massivement, avec non seulement des mitrailleuses, mais aussi des chars, et tire dans la foule pour la disperser. Après 2 heures du matin, les chars du 27e corps d'armée pénètrent sur la place Tiananmen, écrasant tout ce qui se trouve sur son passage. L'accès à la place est interdit, et des rafales de mitrailleuses fauchent les manifestants qui tentent de s'en approcher. À la télévision, où aucun dirigeant n'apparaît, des communiqués font surtout état de morts chez les militaires victimes des « contre-révolutionnaires », mais les civils tués se comptent sans aucun doute par centaines. La violence de la répression contre une foule désarmée provoque des manifestations monstres dans les villes de province et spécialement à Shanghai, et de vives protestations s'élèvent dans le monde entier.
Les jours suivants, alors que les bilans officiels ne parlent que de deux cents morts civils et de « dizaines » de soldats tués, la situation apparaît de plus en plus confuse. Tandis que les étrangers quittent Pékin et que les ambassades regroupent leurs ressortissants, les étudiants retranchés dans leurs campus s'attendent à être attaqués par les troupes. Des rumeurs font état d'affrontements entre des unités militaires rivales. Quelque trois cent mille hommes sont regroupés dans et autour de la capitale. Les pays occidentaux décident des sanctions économiques limitées : gel des livraisons d'armes et suspension des contacts officiels à haut niveau. Parmi les États communistes, l'U.R.S.S. lance un appel au compromis ; la Pologne exprime un profond souci ; seuls la R.D.A. et Cuba se solidarisent avec les dirigeants chinois.
Le 8, si jusqu'alors aucun dirigeant ne s'était montré en public, le Premier ministre Li Peng apparaît aux informations télévisées en train d'encourager l'armée. Le lendemain, c'est Deng Xiaoping, dont la rumeur annonçait la mort, qui prononce une importante allocution, et la télévision en diffuse des extraits. Publié intégralement dans la presse le 28, ce discours recommande la répression de la moindre dissidence politique dans l'avenir, tout en prônant la poursuite d'une politique de réforme économique et d'ouverture sur le monde extérieur.
À partir du 10, une vague d'arrestations s'abat sur la Chine : des milliers de « contre-révolutionnaires » sont interpellés (officiellement à la fin du mois mille huit cents personnes auront été emprisonnées). La police utilise les films tournés par les télévisions occidentales pour reconnaître les meneurs étudiants et lancer des appels à la délation. Des mandats d'arrêt sont publiquement lancés contre vingt et un des principaux dirigeants étudiants et contre le dissident Fang Lizhi réfugié avec sa famille à l'ambassade américaine.
Le 15, alors que les campagnes de répression et de délation se poursuivent, trois hommes sont condamnés à mort à Shanghai et, le 17, le même verdict est prononcé à Pékin contre huit personnes dont une femme. Malgré les protestations internationales et les appels à la clémence, tous les condamnés à l'exception de la femme sont exécutés d'une balle dans la nuque les 21 et 22. Pékin affirme qu'aucun étudiant ne figurait parmi les condamnés à mort, qui seraient tous des émeutiers pris sur le fait.
Le 24, le comité central du P.C. entérine la révocation de Zhao Zihang pour « erreurs graves » et nomme pour le remplacer au poste de secrétaire général du parti Jiang Zemin, chef du P.C. de Shanghai. D'autre part, le comité central annonce de nouvelles purges au sein du parti.
Le 28, au cours de sa première allocution en public, Jiang Zemin affirme que le régime sera « sans merci » à l'égard des « comploteurs ».