2-29 mars 1985
Liban. Multiplication des attentats, des raids israéliens et des enlèvements d'étrangers
Le 2, l'armée israélienne effectue une importante opération de ratissage dans le village de Maaraké, à quelques kilomètres de Tyr, dans la région du Liban du Sud qu'elle occupe encore. Dès le départ des soldats israéliens, les membres de la résistance libanaise réapparaissent et les portraits de Khomeyni fleurissent sur les murs des maisons.
Le 4, la mosquée chiite de Maaraké est détruite par l'explosion d'une bombe, quinze personnes sont tuées, dont deux des principaux chefs du mouvement chiite Amal, et quarante-cinq autres blessées. Les Israéliens sont tenus pour responsables par la population chiite.
Le 8, une voiture piégée qui explose à Bir-el-Abed, quartier très populeux à prédominance chiite de la banlieue sud de Beyrouth, fait quatre-vingts morts et deux cent cinquante-six blessés. C'est sans doute le domicile de Cheikh Mohamed Hussein Fadlallah, chef spirituel des hezbollahis (partisans de Dieu), aile intégriste des chiites libanais, qui était visé. Tous les dirigeants de la communauté musulmane accusent les Israéliens d'être à l'origine de l'attentat et appellent à une résistance accrue dans le sud du Liban.
Le 10, une camionnette suicide explose au passage d'un convoi militaire israélien, en territoire libanais mais à un kilomètre du village frontière israélien de Metullah : douze soldats sont tués et quatorze autres blessés. Cet attentat est le plus meurtrier contre l'armée israélienne depuis celui qui avait visé le quartier général de Tyr, le 4 novembre 1983 ; il porte à 636 morts le nombre des Israéliens morts dans la guerre du Liban : il est revendiqué par le Djihad islamique, qui affirme que la camionnette aurait dû exploser à Metullah même pour prouver qu'il pouvait « frapper au cœur d'Israël ».
Le 11, l'armée israélienne effectue une opération de représailles dans le village chiite de Zrariyé, situé au nord-est de Tyr et à un kilomètre environ à l'ouest de la zone encore occupée par Israël, considéré comme une importante base de repli pour les auteurs d'attentats anti-israéliens. Le bilan du « nettoyage » de Zrariyé est particulièrement lourd : trente-quatre morts.
Le 12, au Conseil de sécurité des Nations unies, à New York, les États-Unis opposent leur veto à une résolution libanaise condamnant les opérations de ratissage effectuées par l'armée israélienne au sud du Liban. Onze pays, dont la France, votent la résolution et trois autres s'abstiennent : l'Australie, le Danemark et la Grande-Bretagne.
Le 12, le commandement des Forces libanaises (milice chrétienne unifiée) décide de « récupérer son autonomie », après l'exclusion du Parti phalangiste pour insubordination de Samir Geagea, considéré comme le chef de l'aile radicale de la milice chrétienne. Ce dernier s'oppose à l'alignement sur Damas du président Amine Gemayel et du Parti phalangiste. Malgré les efforts du président Gemayel, ce mouvement de dissidence au sein du camp chrétien aboutit, le 20, à la nomination de Samir Geagea comme chef d'état-major des Forces-libanaises.
Du 18 au 21, de violents combats opposent les soldats de l'armée régulière libanaise et des combattants musulmans à des miliciens chrétiens des Forces libanaises, dans la banlieue orientale de Saïda.
Le 21, l'armée israélienne pénètre à nouveau dans la partie du Liban du Sud qu'elle a évacuée depuis le 16 février. S'avançant jusqu'à une douzaine de kilomètres au sud-est de Saïda, elle procède à des opérations de ratissage dans neuf villages : une vingtaine de personnes sont tuées, ainsi que deux journalistes libanais de la chaîne de télévision américaine C.B.S.
Le 22, trois ressortissants français sont enlevés à Beyrouth : Marcel Fontaine, vice-consul, Marcel Carton, attaché à l'ambassade, et sa fille, Danielle Perez, secrétaire au service culturel de l'ambassade. Auparavant, deux Britanniques avaient été enlevés le 14 et le 15 (ils seront relâchés le 27 et le 30), ainsi que, le 16, un Américain, Terry Anderson, directeur de l'agence Associated Press pour le Proche-Orient. Ces enlèvements, qui sont revendiqués successivement par le Djihad islamique, puis par de mystérieuses « brigades de Khaybar », sont violemment condamnés par Nabih Berri, chef du mouvement chiite Amal, qui dénonce une manœuvre visant à brouiller la résistance nationale libanaise avec Paris.
Le 23, un autre Français, Gilles Peyroles, directeur du centre culturel français de Tripoli, est enlevé. Les Forces armées révolutionnaires libanaises (F.A.R.L.), responsables de plusieurs attentats en France, revendiquent cette action et exigent comme monnaie d'échange la libération d'un de leurs membres détenu en France. Bien que Paris refuse de céder au chantage, Gilles Peyroles est libéré le 1er avril. Entre-temps, un fonctionnaire britannique membre d'une agence de l'O.N.U. pour les réfugiés (U.N.R.W.A.), Alec Collett, est enlevé, le 25, à Khaldé ; Danielle Perez est libérée le 31.
À partir du 29, les combats entre Libanais reprennent à Saïda et s'étendent aux camps palestiniens d'Aïn-Héloué et de Mieh-Mieh, situés à la périphérie de la ville, qui sont bombardés par l'artillerie des Forces libanaises.