2-30 avril 2020
France. Annonce du plan de déconfinement
Le 2, puis de nouveau le 5, l’armée intervient sur l’aéroport de Bâle-Mulhouse pour réquisitionner, à la demande de la préfecture du Haut-Rhin et pour le compte de l’Agence régionale de santé (ARS) du Grand-Est, deux cargaisons de masques de protection commandés en Chine par la région Bourgogne-Franche-Comté et le département des Bouches-du-Rhône, dans le cadre de la lutte contre la Covid-19. Les associations d’élus locaux déploreront cette « guerre des masques ». Le 9, le gouvernement reconnaîtra « une méthode inopportune ».
Le 3, le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer annonce que les candidats à la session 2020 du baccalauréat ne passeront aucune épreuve, ni écrite ni orale, mais seront jugés sur les résultats du contrôle continu obtenus au cours de l’année. Seul l’oral de français pourrait être maintenu pour les élèves de première, si les conditions le permettent.
Le 3 également, le directeur général de la Santé Jérôme Salomon, dans son point-presse quotidien, encourage la population à porter des masques de protection. Le gouvernement avait jusque-là réservé l’usage des masques aux personnels soignants, ne jugeant pas cette protection utile pour le grand public.
Le 3 toujours, le Conseil d’État valide la disposition, adoptée en application de la loi d’urgence sanitaire et dénoncée par les avocats, qui prévoit la prolongation de deux à six mois des détentions provisoires, sans l’intervention d’un juge.
Le 6 est enregistré le plus grand nombre quotidien de décès des suites de la Covid-19 en milieu hospitalier dans le pays depuis le début de l’épidémie, avec six cent cinq morts. Ce chiffre diminuera ensuite lentement au cours du mois.
Le 8, le Conseil des ministres limoge le directeur de l’Agence régionale de santé du Grand-Est, Christophe Lannelongue. Ce dernier avait annoncé, le 4, le maintien d’un plan de restructuration des hôpitaux de Nancy (Meurthe-et-Moselle), validé en juillet 2019, qui incluait une réduction du nombre de lits et de postes. Le ministre de la Santé Olivier Véran déclare que tous les plans de réorganisation sont suspendus.
Le 9, à Marseille, le président Emmanuel Macron rencontre le microbiologiste Didier Raoult, directeur de l’Institut hospitalo-universitaire Méditerranée Infection, promoteur d’un recours généralisé à l’hydroxychloroquine comme remède à la Covid-19. Didier Raoult est au centre d’une controverse très médiatisée, le traitement qu’il préconise ne faisant pas l’unanimité au sein du corps médical.
Le 9 également, la Convention citoyenne pour le climat remet au président de la République et au gouvernement une « contribution à la sortie de crise » liée à la Covid-19 sous forme d’une lettre d’intention accompagnée d’une première série de propositions – ces dernières ne sont pas rendues publiques. Cette institution, installée en octobre 2019 en vue de formuler des propositions pour lutter contre le réchauffement climatique, demande que cette sortie de crise « ne soit pas réalisée au détriment du climat, de l’humain et de la biodiversité » et que « les financements mobilisés […] soient socialement acceptables, fléchés vers des solutions vertes et que les investissements se concentrent dans des secteurs d’avenir respectueux du climat. »
Le 9 toujours, le solde des entrées en service de réanimation devient négatif. Le 15, ce sera le tour des nouvelles hospitalisations pour cause de Covid-19.
Le 12, le porte-avions Charles-de-Gaulle regagne de manière anticipée la base de Toulon à la suite de la découverte de nombreux cas d’infection au SARS-CoV-2 à son bord. Plus de la moitié des quelque deux mille membres d’équipage du porte-avions et de ses bâtiments d’escorte seront testés positifs.
Le 13, Emmanuel Macron prononce une allocution télévisée – la troisième depuis le début de l’épidémie – qui débute comme les précédentes à 20h02, de façon à laisser le temps aux Français de marquer leur soutien aux personnels soignants en applaudissant aux fenêtres à 20h00, comme ils le font depuis le début de la période de confinement. Au cours de cette allocution, le chef de l’État fixe au 11 mai le début de la phase de « déconfinement ». Il annonce la reprise des activités à cette date, invitant toutefois les personnes âgées et les personnes les plus vulnérables à demeurer chez elles. Cette dernière mesure sera abandonnée dès le 17. Les crèches, les écoles, les collèges et les lycées doivent rouvrir progressivement, tandis que les lieux rassemblant du public resteront fermés. Les gestes barrières et le respect des distances de sécurité sont maintenus ; des masques doivent être mis à la disposition de chacun. « Étions-nous préparés à cette crise ? À l’évidence, pas assez », admet le chef de l’État qui concède « des ratés, encore trop de lenteur, de procédures inutiles, des faiblesses aussi de notre logistique ». « Sachons, dans ce moment, sortir des sentiers battus, des idéologies, nous réinventer – et moi le premier », ajoute-t-il. Enfin, Emmanuel Macron appelle à « aider nos voisins d’Afrique à lutter contre le virus plus efficacement, à les aider aussi sur le plan économique en annulant massivement leurs dettes. »
Le 15, le Conseil des ministres valide l’octroi d’une « aide exceptionnelle de solidarité » au profit des « plus démunis », annoncée le 13 par Emmanuel Macron. Sont concernés les ménages bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), de l’allocation de solidarité spécifique (ASS) ou des aides personnalisées au logement (APL). Le gouvernement approuve également le versement d’une prime aux personnels hospitaliers, ainsi qu’une majoration de la rémunération de leurs heures supplémentaires. Enfin, une prime doit être versée aux agents publics soumis à un surcroît de travail dans le cadre de la lutte contre la Covid-19.
Le 19, Olivier Véran annonce la levée sous conditions de l’interdiction des visites aux résidents des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), qui avait été imposée le 11 mars.
Le 20 débute le processus de déconfinement de la Nouvelle-Calédonie, très préservée de la pandémie. La liberté de circulation est restaurée, l’activité économique reprend et les écoles rouvrent progressivement leurs portes. Les bars, les cinémas et les discothèques restent toutefois fermés, les rassemblements sont encadrés et le contrôle des frontières est maintenu.
Le 21, l’Institut Pasteur, Santé publique France et l’INSERM publient une étude qui prévoit que 5,7 p. 100 de la population auront été infectés par le SARS-CoV-2 à la date prévue pour le début du déconfinement. Ils estiment que l’immunité de groupe sera alors insuffisante pour éviter une seconde vague de contamination, en l’absence du maintien de « mesures de contrôle efficaces ».
Le 21 également, le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer annonce son plan de réouverture des écoles étalé sur trois semaines à compter du 11 mai. Les conditions de cette réouverture suscitent de nombreuses interrogations parmi les enseignants, les élus locaux et les associations de parents.
Le 22, la ministre du Travail Muriel Pénicaud annonce que le nombre de salariés au chômage partiel a dépassé le seuil des dix millions, soit plus de la moitié des salariés du secteur privé.
Le 23, le Parlement adopte définitivement la deuxième loi de finances rectificative depuis le début de la crise, après celle adoptée le 23 mars. Celle-ci porte à 110 milliards d’euros le montant du plan de soutien financier aux entreprises, dont plus de 40 milliards de dépenses publiques et 20 milliards de réserve en vue de renforcer des participations financières de l’État dans les entreprises stratégiques en difficulté. L’enveloppe destinée à l’indemnisation du chômage partiel est portée à 25,8 milliards d’euros. Fondée sur une prévision de récession de 8 p. 100 du PIB en 2020, cette loi doit entraîner un déficit public de 9,1 p. 100 du PIB et une dette de 115 p. 100 du PIB.
Le 23 également, le gouvernement annonce une enveloppe de 39 millions d’euros destinée à l’aide alimentaire, au profit notamment des associations qui sont fortement sollicitées depuis le début du confinement.
Le 24, Bruno Le Maire annonce le déblocage de 7 milliards d’euros au profit de la compagnie franco-néerlandaise Air France-KLM, sous forme de garantie de prêts et de prêts directs. Les Pays-Bas, également actionnaires de la compagnie, apporteront de leur côté 3,4 milliards d’euros.
Le 28, Édouard Philippe présente devant l’Assemblée nationale le plan de déconfinement par étapes établi par le gouvernement. Estimant que « le risque d’une seconde vague […] est un risque sérieux », il prévient que « si les indicateurs ne sont pas au rendez-vous », le processus qui doit débuter le 11 mai sera reporté ou appliqué plus strictement. Édouard Philippe annonce la mise en place d’un dispositif de test – au rythme de sept cent mille par semaine – et d’identification des personnes ayant été en contact avec une personne contaminée. Il évoque l’éventuel recours, à cet effet, à des outils numériques, qui devra faire l’objet d’un débat parlementaire. Le Premier ministre indique que les départements seront classés selon plusieurs critères qui détermineront les conditions de circulation. La période allant du 11 mai au 2 juin doit permettre de vérifier l’efficacité des mesures mises en œuvre et d’apprécier celles à prendre pour la phase suivante. Les élèves regagneront leurs établissements par étapes et sur la base du volontariat. La majorité des commerces pourra rouvrir, tandis que les cafés et restaurants, les salles de spectacles et les grands musées resteront fermés, et les grands rassemblements interdits jusqu’en septembre. La reprise de l’activité se fera progressivement, en privilégiant le télétravail et les horaires décalés de façon à ne pas engorger les transports publics, dans lesquels le port du masque sera obligatoire. Le plan du gouvernement est adopté par 368 voix contre 100 et 103 abstentions, principalement grâce à l’accord quasi unanime des élus de La République en marche (LRM) et du MoDem.
Le 30, l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) annonce une contraction de 5,8 p. 100 du PIB au premier trimestre. La baisse du PIB ayant déjà été de 0,1 p. 100 au quatrième trimestre de 2019, le pays est donc entré en récession.
Le 30 également, les ordres nationaux des professions de santé s’indignent, dans un communiqué commun, de la prochaine mise en vente par les enseignes de la grande distribution de centaines de millions de masques de protection, alors que ces professions continuent à subir les effets de la pénurie de matériel de protection. Ils réclament la réquisition de ces masques par l’État afin d’équiper les personnels de santé et les personnes les plus fragiles.
Le 30 toujours, le nombre de morts de la Covid-19 s’établit à plus de vingt-quatre mille, dont plus de quinze mille deux cents à l’hôpital – les décès en maison de retraite sont comptabilisés depuis le début du mois. Plus de vingt-six mille personnes restent hospitalisées, dont plus de quatre mille deux cents en service de réanimation et de soins intensifs.