2-31 mai 1985
Liban. Enlèvement de Jean-Paul Kauffmann et Michel Seurat au cours de la guerre chiito-palestinienne
Le 2, les combats entre milices musulmane et chrétienne, qui avaient repris à Beyrouth à la fin d'avril après les violences commises contre les chrétiens dans le sud du Liban, s'intensifient. Les passages qui permettent de traverser la ligne de démarcation entre les quartiers chrétien et musulman de Beyrouth sont fermés les uns après les autres. Ces affrontements font plus de cent morts.
Le 9, les Forces libanaises (milice chrétienne unifiée) élisent Elie Hobeika chef de leur comité exécutif. Samir Geagea, à l'origine du mouvement de rébellion du 12 mars, reste chef d'état-major des F.L., mais il n'est plus le numéro un. Dès sa nomination, Elie Hobeika, vingt-sept ans, chef des services de renseignements des F.L. depuis 1980, rend publique une proclamation dans laquelle il souligne surtout « les relations privilégiées des chrétiens [...] avec la Syrie » et « l'appartenance arabe du Liban ». Cette proclamation, qui est considérée quasi comme un acte d'allégeance de la milice chrétienne aux dirigeants de Damas, ouvre la voie à la réunification du camp chrétien et à la constitution d'un « rassemblement chrétien pour un Liban uni » que des personnalités politiques modérées tentent de mettre sur pied, mais elle ne permet pas une trêve des combats islamo-chrétiens de Beyrouth.
Le 19 commence à Beyrouth la bataille des camps palestiniens qui met aux prises les combattants palestiniens des camps de Sabra, Chatila et Borj-Barajneh et les miliciens chiites du mouvement Amal, assistés de la 6e brigade de l'armée libanaise, qui leur est inféodée. Amal est déterminé à empêcher les Palestiniens de reprendre la moindre parcelle de pouvoir dans les zones qu'il contrôle : selon Nabih Berri, le chef d'Amal, « la sécurité dans les camps doit être confiée à la légalité libanaise [...]. Cette légalité c'est la 6e brigade de l'armée ». Mais seule la milice chiite participe aux combats pour mettre au pas les Palestiniens : ces combats sont d'une rare violence et se poursuivent, malgré la proclamation de plusieurs cessez-le-feu, jusqu'à la fin du mois, faisant au moins cinq cents morts, principalement parmi les combattants. Le soutien apporté par Damas à Amal provoque une union sacrée des Palestiniens, tant arafatistes que prosyriens, qui se défendent avec l'énergie du désespoir contre l'attaque chiite. Des témoignages font état de « massacres », d'« exécutions sommaires » et d'« arrestations massives » de tous les Palestiniens en âge de combattre, par les miliciens chiites, rendus furieux par l'importance de leurs pertes.
Le 22, une voiture piégée qui roulait dans la rue Mar-Elias, à Sinn el-Fil, quartier résidentiel du secteur chrétien de Beyrouth, explose à une heure de forte affluence (55 personnes sont tuées et 174 blessées).
Le 22, deux Français sont enlevés à Beyrouth, sur la route qui mène de l'aéroport au centre de la ville : il s'agit de Jean-Paul Kauffmann, journaliste, envoyé spécial de l'hebdomadaire L'Événement du jeudi, et de Michel Seurat, chercheur arabisant qui vit depuis dix ans à Beyrouth. Ces enlèvements sont revendiqués, le 29, par le Djihad islamique qui détient déjà deux autres Français depuis le 22 mars. Cette organisation terroriste revendique aussi le rapt de David Jacobsen, directeur de l'hôpital américain de Beyrouth, qui est enlevé à son tour le 28 : cinq autres Américains, enlevés à Beyrouth-Ouest, sont toujours détenus. Le Djihad islamique a annoncé à la mi-mai qu'il serait disposé à échanger ces otages contre dix de ses membres condamnés au Koweit après les attentats du 12 décembre 1983.
Du 29 au 31, les présidents libanais, Amine Gemayel, et syrien, Hafez el-Assad, s'entretiennent à Damas d'un « règlement global et définitif » de la crise libanaise. « Je crois que nous sommes sur la voie d'une solution », déclare le président Gemayel à son retour à Beyrouth, mais les combats se poursuivent dans les camps palestiniens.
Le 31, le Conseil de sécurité des Nations unies, qui s'est réuni à la demande de l'Égypte et en dépit de l'opposition du Liban, vote à l'unanimité un appel demandant « l'arrêt des actes de violence contre les populations civiles du Liban, en particulier dans et autour des camps palestiniens ».