2-31 mars 1991
Irak. Répression par l'armée d'insurrections, chiite dans le Sud et kurde dans le Nord
Le 2, tandis que Radio-Bagdad ne cesse d'exalter le soutien au président Saddam Hussein, un soulèvement chiite débute à Bassorah. Il s'étend rapidement aux autres villes de cette région du sud-est de l'Irak, frontalière de l'Iran, où des unités de la garde républicaine et de l'armée régulière renforcent leur présence. À Téhéran, l'Assemblée suprême de la révolution islamique en Irak (S.A.I.R.I.), mouvement d'opposition en exil présidé par l'hodjatoleslam Mohamed Bakr el-Hakim, annonce que plusieurs villes sont aux mains des insurgés. Ces informations sont relayées par l'agence officielle iranienne I.R.N.A., tandis que les autorités iraniennes apportent leur soutien aux insurgés. De son côté, le Parti démocratique du Kurdistan irakien (P.D.K.) de Massoud Barzani, mouvement d'opposition basé à Londres, annonce que les séparatistes kurdes ont engagé une rébellion, dès la fin du mois de février, dans le nord-est de l'Irak dont ils contrôlent à présent plusieurs villes.
Le 5, en dépit des appels lancés par George Bush au peuple irakien pendant la guerre pour l'encourager à renverser le régime de Saddam Hussein, Marlin Fitzwater, porte-parole de la Maison-Blanche, déclare que les États-Unis n'ont pas l'intention de « se mêler des affaires intérieures de l'Irak ». Il invite « les autres États » à faire de même. Les forces armées irakiennes commencent à réduire le soulèvement chiite dans le Sud où les combats sont très violents.
Le 6, Ali Hassan al-Majid, cousin du président Saddam Hussein, qui est surnommé le « boucher du Kurdistan » et qui a consolidé sa réputation d'homme à poigne dans ses éphémères fonctions de gouverneur du Koweït, est nommé ministre de l'Intérieur.
Du 11 au 13, un congrès de l'opposition irakienne est réuni à Beyrouth sous l'égide de la Syrie. Il regroupe principalement des chiites et des Kurdes, mais aussi des communistes, des baasistes dissidents, des nationalistes et des sunnites. Ceux-ci tentent de surmonter leurs divergences concernant l'instauration d'une république islamique ou d'un État kurde en Irak.
Le 16, dans son premier discours depuis la fin des combats, Saddam Hussein annonce l'écrasement de l'insurrection chiite dans le Sud et menace du même sort les rebelles kurdes dans le Nord. Il promet des réformes démocratiques en Irak.
Le 19, les mouvements d'opposition kurdes annoncent que les peshmergas – les combattants kurdes – contrôlent la quasi-totalité de Kirkouk, la plus grande ville pétrolière irakienne. Massoud Barzani, chef du P.D.K., déclare, le 22, que « 95 p. 100 du Kurdistan irakien est libéré » et il invite l'opposition à rentrer en Irak afin d'y constituer un « gouvernement provisoire ».
Le 20, l'aviation américaine abat un chasseur-bombardier irakien qui violait l'accord de cessez-le-feu provisoire en intervenant contre les insurgés. Un second avion irakien est abattu dans les mêmes conditions le 22, mais les États-Unis laissent l'armée irakienne utiliser ses hélicoptères de combat pour mater l'insurrection.
Le 22, sur l'avis du rapport de la mission des Nations unies envoyée en Irak, qui fait état de risques de famine et d'épidémies, le Conseil de sécurité décide d'assouplir l'embargo décrété contre l'Irak le 6 août 1990 en permettant l'entrée dans le pays de produits « civils et humanitaires », notamment alimentaires.
Le 23, Saddam Hussein constitue un nouveau gouvernement dont la composition reflète la volonté de réprimer les troubles internes. Saadoun Hammadi, baasiste modéré, est nommé au poste de Premier ministre qui était jusqu'alors occupé par Saddam Hussein. Cela n'entame toutefois en rien les pouvoirs de ce dernier. Tarek Aziz quitte son poste de ministre des Affaires étrangères pour ne conserver que celui de vice-Premier ministre.
Le 28, quelques jours après avoir repris le contrôle des principales villes du Sud et au lendemain du début de son offensive dans le Kurdistan, l'armée reconquiert et « nettoie » Kirkouk.
Le 31, les soldats irakiens conduisent des journalistes étrangers dans le Nord afin qu'ils constatent le reflux de la rébellion. Irbil, capitale de la région autonome kurde, est reprise à son tour. Craignant la répression de l'armée, des centaines de milliers de Kurdes quittent leurs villes et leurs villages pour fuir en direction des frontières turque et iranienne.