3-28 février 1981
Espagne. Tentative de coup d'État militaire et nouveau gouvernement
Du 3 au 5, le roi Juan Carlos effectue son premier voyage officiel dans les trois provinces autonomes du Pays basque, alors que se prolonge la crise politique ouverte, le 29 janvier, par la démission du Premier ministre Adolfo Suárez, chef du gouvernement constitué par l'Union du centre démocratique (U.C.D.) en juillet 1976.
Le 4, à Guernica, une vingtaine de députés de la coalition séparatiste Henri Batasuna huent le roi pendant qu'il lit son discours devant le Parlement basque. Le calme et le sang-froid dont fait preuve le souverain sont particulièrement remarqués.
Le 5, se tient à Madrid un Conseil des ministres extraordinaire consacré à la détérioration de la situation économique et sociale (faiblesse de la peseta, grèves, sécheresse catastrophique).
Le 6, la police retrouve le corps de José Maria Ryan, ingénieur responsable des travaux de la centrale nucléaire de Lemoniz près de Bilbao. Il a été enlevé le 30 janvier, puis exécuté par des membres de la branche militaire de l'organisation séparatiste basque E.T.A.
Le 9, tout le Pays basque est paralysé par une grève générale de protestation contre cet assassinat. Des manifestations qui remportent un grand succès se déroulent dans les villes principales (Saint-Sébastien, Bilbao et Victoria). L'opinion publique se prononce clairement contre les outrances des séparatistes.
Mais la situation se retourne, le 13, avec la mort, à la prison madrilène de Carabanchel, de José Arregui Izaguirre, militant de l'E.T.A. militaire. Arrêté le 4 à Madrid, ce dernier est manifestement décédé des suites des mauvais traitements subis dans les locaux de la sûreté. L'indignation est immédiate au Pays basque et, le 16, les provinces du Nord sont à nouveau paralysées par une grève générale, destinée cette fois à soutenir les séparatistes. D'autre part, l'arrestation de cinq inspecteurs et des manifestations d'hostilité à leur égard mécontentent de nombreux policiers qui proposent leur démission, finalement, seuls trois hauts fonctionnaires quittent leur poste.
Le 20, Leopoldo Calvo Sotelo, désigné par le roi le 10 février comme chef de gouvernement, se présente pour la première fois devant les députés. Mais l'ancien ministre des Affaires économiques dans le gouvernement Suárez ne réussit pas à réunir les 176 voix nécessaires. Le même jour, au Pays basque, l'E.T.A. politico-militaire enlève les consuls honoraires d'Autriche, d'Uruguay et du Salvador, réclamant une amnistie pour les prisonniers séparatistes, et une épuration de la police.
Le 23, pour la deuxième fois, Calvo Sotelo se présente devant les Cortes pour obtenir l'investiture. Le scrutin est interrompu vers dix-huit heures par l'irruption au sein de l'Assemblée de cent cinquante gardes civils, dirigés par le lieutenant-colonel Antonio Tejero. Les ministres et les députés restent prisonniers toute la nuit.
Le 24, vers une heure du matin, le roi Juan Carlos reprend la situation en main et réaffirme dans un discours radio-télévisé au ton très ferme « sa fidélité à l'ordre institutionnel ». Il rallie à sa personne la majorité de l'état-major et parvient à isoler le général Milans del Bosch, capitaine général de la région militaire de Valence, qui basculait dans la sédition, ainsi que le général Alfonso Armada, chef d'état-major de l'armée de terre, considéré comme le chef de la conspiration. Tous deux seront arrêtés. Vers midi, les gardes civils insurgés retranchés dans les Cortes se rendent et libèrent leurs otages.
Dès le 25, le débat d'investiture de Leopoldo Calvo Sotelo reprend : celui-ci est investi à la majorité absolue, qu'il n'avait pu atteindre avant la tentative de putsch.
Le 27, le nouveau chef de gouvernement constitue une équipe presque identique au cabinet sortant. Le même jour se déroulent, dans tout le pays, de nombreuses manifestations de soutien à la démocratie. Elles remportent un succès sans précédent : des millions d'Espagnols défilent dans les rues pour défendre « la liberté, la démocratie, et la Constitution ».
Le 28, la branche politico-militaire de l'E.T.A. libère les trois consuls étrangers qu'elle avait enlevés et annonce la suspension « sans conditions et pour une durée indéterminée » de la lutte armée.