3-8 mai 2001
France. Révélations sur la pratique de la torture pendant la guerre d'Algérie
Le 3 paraît un livre du général Paul Aussaresses, Services spéciaux, Algérie 1955-1957. L'auteur y relate les tortures, les exécutions sommaires et les massacres de civils perpétrés par l'armée française durant la guerre d'Algérie. Coordinateur des services de renseignements à Alger en 1957, le général Aussaresses, alors commandant, revendique notamment, sans remords, le rôle d'organisateur secret des opérations systématiques de tortures qui avaient lieu pendant la bataille d'Alger. Il affirme qu'il était couvert par les autorités politiques, et notamment par François Mitterrand, alors ministre de la Justice. Lors des précédentes déclarations du général Aussaresses sur le même sujet, en novembre 2000, le Premier ministre, Lionel Jospin, avait rejeté tout acte de repentance collective. Le Parti communiste, soutenu par les Verts, continue de réclamer l'instauration d'une commission d'enquête parlementaire sur la torture en Algérie; il exige aussi l'engagement de « poursuites pour crimes contre l'humanité ». De son côté, Lionel Jospin fait part de sa « totale condamnation morale » à l'égard des faits relatés par le général Aussaresses et laisse le soin à la justice de décider d'éventuelles poursuites.
Le 4, Jacques Chirac condamne à son tour les exactions évoquées par le général Aussaresses, et demande la suspension de celui-ci de l'ordre de la Légion d'honneur ainsi que l'engagement de sanctions disciplinaires à son encontre. De son côté, la Ligue des droits de l'homme dépose une plainte contre le général Aussaresses pour « apologie de crimes et de crimes de guerre ». En Algérie, le récit du général Aussaresses suscite de vives réactions de la part de certains partis et organes de presse, mais aucun commentaire de la part des autorités.
Le 7, la Fédération internationale des droits de l'homme dépose une plainte contre le général Aussaresses pour « crimes contre l'humanité ». D'autres plaintes seront déposées au cours du mois, certaines avec constitution de partie civile.
Le 11, dans un entretien télévisé, le général Aussaresses fait part de ses « regrets » d'avoir eu à accomplir ces exactions, refuse qu'on les qualifie d'« assassinats » et nie tout « cynisme » de sa part.
Le 17, le parquet de Paris ordonne une enquête préliminaire, préalable à l'ouverture d'une information judiciaire, sur les propos du général Aussaresses, dans le cadre de la plainte pour « apologie de crimes de guerre ». Il déclare impossible d'engager des poursuites pour « crimes contre l'humanité » puisque les faits visés, d'une part, sont antérieurs à la loi du 1er mars 1994 créant cette qualification dans le droit français, et, d'autre part, ne relèvent pas de la période exceptionnelle de la Seconde Guerre mondiale; il rappelle que les faits pourraient être qualifiés de « crime de guerre ou de droit commun », mais qu'ils seraient alors prescrits et, en toute hypothèse, couverts par la loi d'amnistie du 31 juillet 1968.
Le 8 juin, le Conseil des ministres, sur l'avis du Conseil supérieur de l'armée de terre, décide, « par mesure disciplinaire », le placement d'office en retraite du général Aussaresses.