4-26 avril 2002
France. La gauche éliminée du second tour de l'élection présidentielle
Le 4, le Conseil constitutionnel annonce la validation de seize candidatures à l'élection présidentielle, nombre sans précédent sous la Ve République. Il s'agit de François Bayrou (U.D.F.), Olivier Besancenot (L.C.R.), Christine Boutin (Forum des républicains sociaux), Jean-Pierre Chevènement (Pôle républicain), Jacques Chirac (R.P.R.), Daniel Gluckstein (Parti des travailleurs), Robert Hue (P.C.F.), Arlette Laguiller (L.O.), Lionel Jospin (P.S.), Corinne Lepage (Cap 21), Jean-Marie Le Pen (F.N.), Alain Madelin (D.L.), Noël Mamère (Les Verts), Bruno Mégret (M.N.R.), Jean Saint-Josse (C.P.N.T.) et Christiane Taubira (P.R.G.). Charles Pasqua (R.P.F.) et Nicolas Miguet (Rassemblement des contribuables français) ne sont pas parvenus à réunir 500 parrainages d'élus. Le lancement de la campagne électorale officielle permet aux « petits » candidats de mieux se faire connaître. Ceux-ci vont progresser dans les sondages au détriment des principaux prétendants.
Le 21, les résultats du premier tour de l'élection présidentielle déjouent toutes les prévisions. Ils traduisent un bouleversement de la vie politique française, ordonnée depuis les années 1970 autour du duel droite-gauche au second tour de la présidentielle. Avec 16,86 p. 100 des voix, le candidat du Front national, Jean-Marie Le Pen, arrive en deuxième position derrière le président sortant, Jacques Chirac, qui recueille 19,88 p. 100 des suffrages. Troisième avec 16,18 p. 100 des voix, Lionel Jospin est éliminé du second tour. Mais Jacques Chirac réalise le plus faible score jamais obtenu par un président sortant au premier tour. Ces faits s'expliquent notamment par l'émiettement des voix. François Bayrou obtient 6,84 p. 100 des suffrages, Arlette Laguiller 5,72 p. 100, Jean-Pierre Chevènement 5,33 p. 100, Noël Mamère 5,25 p. 100, Olivier Besancenot 4,25 p. 100, Jean Saint-Josse 4,23 p. 100, Alain Madelin 3,91 p. 100, Robert Hue 3,37 p. 100, Bruno Mégret 2,34 p. 100, Christiane Taubira 2,32 p. 100, Corinne Lepage 1,88 p. 100, Christine Boutin 1,19 p. 100 et Daniel Gluckstein 0,47 p. 100. Paradoxalement et malgré l'effondrement du Parti communiste, la « gauche plurielle » perd relativement moins de voix que la droite républicaine par rapport aux résultats du premier tour de l'élection de 1995: la première passe de 35,2 p. 100 à 32,5 p. 100 des voix, la seconde de 44,1 p. 100 à 37,7 p. 100, en comptant les voix de C.P.N.T. L'extrême droite, quant à elle, progresse nettement en passant en sept ans de 15 p. 100 à 19,2 p. 100 des suffrages. L'audience de l'extrême gauche trotskiste s'accroît également, rassemblant 10,4 p. 100 des suffrages. Enfin, l'abstention atteint un taux record pour un premier tour de présidentielle: 28,40 p. 100. Face à cette situation inédite, Jacques Chirac appelle « tous les Français à se rassembler pour défendre les droits de l'homme, pour garantir la cohésion de la nation, pour affirmer l'unité de la République et restaurer l'autorité de l'État ». Lionel Jospin déclare quant à lui: « Au-delà de la démagogie de la droite et de la dispersion de la gauche qui ont rendu possible cette situation, j'assume pleinement la responsabilité de cet échec et j'en tire les conclusions en me retirant de la vie politique... » Le jour même ou dans les jours qui suivent, les principales formations de droite comme de gauche appellent à voter contre Jean-Marie Le Pen au second tour, L.O. refusant de donner des consignes de vote. À l'annonce des résultats, des milliers de personnes descendent spontanément dans les rues des grandes villes pour manifester leur opposition au Front national. Les jours suivants, des dizaines de milliers de personnes, principalement des étudiants et des lycéens, manifestent quotidiennement contre l'extrême droite dans toute la France.
Le 23, Jacques Chirac confirme son refus d'un débat télévisé avec Jean-Marie Le Pen entre les deux tours.
Le 23 également, le conseil des fondateurs de l'Union en mouvement, association de soutien à Jacques Chirac créée en janvier 2001 par des parlementaires de l'opposition, annonce la transformation de celle-ci en parti politique baptisé Union pour la majorité présidentielle (U.M.P.). Cette formation propose, en vue des élections législatives de juin, d'investir un candidat unique dans chaque circonscription en échange de l'engagement pris par celui-ci de siéger au sein d'un groupe unique à l'Assemblée nationale. François Bayrou, Alain Madelin et Charles Pasqua, respectivement président de l'U.D.F., de D.L. et du R.P.F., s'opposent à cette stratégie d'union.
Le 26, s'exprimant pour la première fois sur l'attitude à adopter au second tour, Lionel Jospin, bien que « sans illusion sur le choix qui se présente », appelle les Français à « exprimer [...] leur refus de l'extrême droite ».