4-30 août 2020
Biélorussie. Réélection contestée du président Alexandre Loukachenko
Le 4, dans un discours devant des élus, le président Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis 1994, s’en prend grossièrement à son adversaire à l’élection présidentielle, Svetlana Tikhanovskaïa, et aux deux femmes qui la soutiennent, Maria Kolesnikova et Veronika Tsepkalo, affirmant : « Nous ne vous donnerons pas le pays. » Plus de mille trois cents opposants ont été arrêtés depuis le début de la campagne, au printemps.
Le 6, le président Loukachenko empêche la tenue du dernier meeting de campagne de Svetlana Tikhanovskaïa à Minsk en organisant le même jour, au même endroit, des festivités en l’honneur des « troupes ferroviaires ».
Le 9, jour de l’élection présidentielle, des dizaines de milliers d’opposants manifestent à Minsk et dans plusieurs villes contre la fraude électorale, alors que des sondages prévoient la réélection triomphale d’Alexandre Loukachenko. La police antiémeute réprime violemment ces rassemblements. Un manifestant est tué.
Le 10, la commission électorale publie les résultats définitifs qui accordent un sixième mandat à Alexandre Loukachenko, avec 80,1 p. 100 des suffrages. Svetlana Tikhanovskaïa est créditée de 10,1 p. 100 des voix. Le taux de participation est de 84,2 p. 100.
Le 11, alors que les manifestations se poursuivent à travers le pays, Svetlana Tikhanovskaïa se réfugie en Lituanie. Elle s’était présentée à l’élection à la place de son mari, le blogueur Sergueï Tikhanovski, arrêté en mai. Veronika Tsepkalo, l’épouse d’un autre candidat empêché de se présenter à l’élection présidentielle, avait quitté le pays le 9 pour rejoindre son mari.
Le 12, alors que les autorités annoncent la mort d’un deuxième manifestant, le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme dénonce la répression et demande la libération des personnes arrêtées.
Le 13, l’appel à la grève est très suivi. De nombreux travailleurs et fonctionnaires se joignent aux manifestations pacifiques des opposants. Un millier de manifestants arrêtés sont relâchés.
Le 14, Svetlana Tikhanovskaïa annonce la création, à Minsk, d’un conseil de coordination de l’opposition destiné à promouvoir une transition pacifique du pouvoir.
Le 16, une semaine après l’élection présidentielle, des dizaines de milliers de personnes se réunissent à travers le pays, à l’appel de Svetlana Tikhanovskaïa, pour continuer à réclamer la libération des prisonniers, la démission des responsables de la répression et le recomptage des bulletins de vote ou l’organisation d’un nouveau scrutin. Dans le même temps, le rassemblement des partisans d’Alexandre Loukachenko ne réunit que quelques milliers de personnes. Le président, qui a demandé le soutien de la Russie, dénonce l’ingérence de l’Occident.
Le 19, les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne, réunis en visioconférence pour un sommet extraordinaire, rejettent les résultats de l’élection présidentielle biélorusse et annoncent leur intention d’adopter des sanctions contre les responsables de la répression et des fraudes électorales. Ils proposent la médiation de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) pour résoudre la crise en Biélorussie.
Le 22, le président Loukachenko place l’armée en état d’alerte maximale, dénonçant d’« importants agissements des forces de l’OTAN à proximité » des frontières.
Le 23, alors que des foules massives se réunissent pour un deuxième dimanche de manifestations, le service de communication de la présidence diffuse des images qui montrent Alexandre Loukachenko arrivant en hélicoptère au palais présidentiel, équipé d’un gilet pare-balles et armé d’un fusil automatique. Les pressions sur les opposants et les grévistes se renforcent.
Le 23 également, des dizaines de milliers de personnes forment une chaîne humaine entre la capitale lituanienne Vilnius et la frontière biélorusse, à l’appel d’ONG et de médias privés. Le président lituanien Gitanas Nausėda proclame à cette occasion son « soutien total au peuple de Biélorussie qui cherche à briser les chaînes de la captivité ». Il s’agit de la date anniversaire de la « voie balte » de 1989, lors de laquelle les habitants des trois pays Baltes avaient formé une chaîne humaine pour réclamer leur indépendance à l’égard de l’URSS.
Le 25, Olga Kovalkova, principale représentante de Svetlana Tikhanovskaïa, et Sergueï Dylevski, président du comité de grève dans une grande usine du pays, tous deux membres de la direction du Conseil de coordination de l’opposition, sont condamnés à dix jours de prison pour organisation d’une manifestation illégale.
Le 26, l’écrivaine Svetlana Alexievitch, prix Nobel de littérature et membre du Conseil de coordination de l’opposition, est convoquée à fin d’interrogatoire par le Comité d’enquête, organe d’État chargé des principales affaires criminelles.
Le 26 également, le Conseil de coordination de l’opposition appelle les citoyens à engager localement des procédures de révocation des députés, comme la Constitution l’autorise.
Le 27, dans un entretien télévisé, le président russe Vladimir Poutine indique que la Biélorussie est le pays « le plus proche » de la Russie et déclare avoir formé, « à la demande de M. Loukachenko », une « réserve d’agents des forces de l’ordre » prêts à intervenir en soutien aux forces biélorusses.
Le 30, quelque cent mille personnes manifestent de nouveau à Minsk, pour le troisième dimanche consécutif, malgré les tentatives d’intimidation du pouvoir.