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5-28 février 2003

Irak. Pression des États-Unis en faveur de la guerre et résistance de la France

Le 5, le secrétaire d'État américain Colin Powell présente devant le Conseil de sécurité de l'O.N.U. les « preuves » promises par le président George W. Bush en janvier et qui justifient, selon Washington, une intervention militaire contre l'Irak. Photos satellitaires et enregistrements téléphoniques à l'appui, il fait état d'une « accumulation de faits et de comportements troublants » de la part de Bagdad dans les domaines des armes de destruction massive et des liens avec le réseau terroriste Al-Qaida. Le camp des pays hostiles à la guerre, France, Allemagne, Russie et Chine en tête, se rallie à la déclaration du ministre français des Affaires étrangères Dominique de Villepin, selon qui « la voie des inspections privilégiée par la résolution 1441 [...] n'a pas été explorée jusqu'au bout ».

Le 6, George W. Bush, présentant les preuves avancées la veille comme « évidentes », déclare que « la partie est terminée ». Il se dit toutefois favorable à l'adoption, par le Conseil de sécurité, d'une seconde résolution autorisant le recours à la force, sur la base de la violation de la résolution 1441 de novembre 2002.

Le 9, au terme de deux jours de visite à Bagdad, les chefs des missions d'inspection du désarmement de l'O.N.U., Hans Blix et Mohamed ElBaradei, font état de « bons progrès » dans leur coopération avec l'Irak et affirment que « la partie continue ».

Le 9 également, à Munich, lors de la session annuelle de la 39e Conférence internationale sur la politique de sécurité, le secrétaire américain à la Défense Donald Rumsfeld dénonce vivement l'opposition de la France, de l'Allemagne et de la Belgique, dans le cadre de l'O.T.A.N., à la demande conjointe de Washington et d'Ankara d'octroyer des moyens de protection à la Turquie contre d'éventuelles attaques irakiennes. Les trois pays européens jugent que cette demande renforce la « logique de guerre » américaine, qu'ils rejettent.

Le 10, à l'occasion de la visite à Paris et à Berlin du président russe Vladimir Poutine, la France, l'Allemagne et la Russie signent une déclaration commune dans laquelle elles se disent « favorables à la poursuite des inspections et au renforcement substantiel de leurs capacités » et affirment qu'« il y a encore une alternative à la guerre ».

Le 10 également, Bagdad accepte le survol de son territoire par des avions spécialisés dans le recueil photographique et électronique de renseignements pour le compte de l'Unmovic ou de l'A.I.E.A.

Le 11, la chaîne qatarie Al-Jazira diffuse un enregistrement sonore attribué à Oussama ben Laden, dans lequel les musulmans sont appelés à se livrer au djihad « contre les croisés » aux côtés des « socialistes » – le parti Baas au pouvoir à Bagdad – pourtant qualifiés d'« apostats ». De son côté, la C.I.A. met en garde contre le risque accru d'attentats d'Al-Qaida dans la région du Golfe ou aux États-Unis, et accuse l'Irak d'abriter un réseau terroriste dirigé par un proche d'Oussama ben Laden.

Le 13, Bagdad admet que ses missiles sol-sol Al-Samoud 2 présentent des capacités supérieures – notamment en portée – à celles qui sont autorisées par la résolution 687 du Conseil de sécurité de l'O.N.U. d'avril 1991.

Le 13 également, un quotidien saoudien affirme que la Jordanie ferait pression sur les États-Unis pour que ceux-ci garantissent un exil sûr au président irakien Saddam Hussein et à ses proches s'ils renonçaient au pouvoir, idée déjà avancée par l'Arabie Saoudite en janvier.

Le 14, Hans Blix et Mohamed ElBaradei présentent leur rapport d'inspection devant le Conseil de sécurité, trois mois après l'adoption de la résolution 1441. Ils font état de progrès dans la coopération avec les autorités irakiennes et déclarent n'avoir « pas trouvé d'armes de destruction massive ». Ils notent toutefois que des questions restent encore sans réponse et appellent l'Irak à une coopération « totale et rapide ». Dans son intervention exceptionnellement applaudie, Dominique de Villepin demande qu'un délai d'un mois supplémentaire soit accordé aux inspecteurs en désarmement, position soutenue par douze des quinze membres du Conseil. « Nous ne pouvons pas laisser ce processus se prolonger indéfiniment », répond Colin Powell.

Le 15, environ 15 millions de personnes se mobilisent à travers le monde contre la guerre en Irak, notamment à Rome, Madrid et Londres où se rassemblent des foules d'un million de manifestants, ainsi qu'à Paris et New York.

Le 15 également, le cardinal Roger Etchegaray, envoyé spécial du pape Jean-Paul II, s'entretient avec Saddam Hussein à Bagdad.

Le 16, un accord sur les demandes de protection de la Turquie intervient dans le cadre d'un organisme de l'O.T.A.N. au sein duquel la France n'est pas représentée.

Le 17, les chefs d'État et de gouvernement de l'Union européenne, réunis à Bruxelles, adoptent un texte commun affirmant que « les Nations unies demeurent au centre de l'ordre international », qu'il faut « donner le temps et les ressources » nécessaires aux inspecteurs de l'O.N.U. et que « la force ne devrait être utilisée qu'en dernier recours ». Ils appellent l'Irak à « désarmer et coopérer immédiatement et intégralement ». À cette occasion, le président Chirac s'en prend vertement aux pays européens candidats à l'adhésion à l'Union qui ont manifesté leur soutien à la position américaine.

Le 21, Hans Blix exige que Bagdad entame la destruction de ses missiles Al-Samoud 2 avant le 1er mars.

Le 24, les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Espagne soumettent au Conseil de sécurité le projet d'une nouvelle résolution qui constate que « l'Irak n'a pas saisi la dernière possibilité qui lui était offerte par la résolution 1441 » et rappelle les « graves conséquences » contre lesquelles celle-ci le mettait en garde en cas de manquement à ses obligations. De leur côté, la France – qui réitère ses menaces implicites de veto au Conseil –, l'Allemagne et la Russie, soutenues par la Chine, présentent au Conseil un mémorandum proposant un échéancier précis, étalé entre mars et juin, pour des inspections renforcées. Dans un entretien accordé le même jour à une chaîne américaine, Saddam Hussein affirme que les missiles Al-Samoud 2 répondent aux normes fixées par l'O.N.U.

Le 26, le président Bush affirme, dans un discours, qu'un « Irak libéré » constituera un « exemple pour les autres nations de la région » et permettra de « franchir une nouvelle étape » dans la résolution du conflit israélo-palestinien.

Le 26 également, les députés britanniques votent une motion soutenant la gestion de la crise irakienne par le gouvernement, mais un tiers des élus travaillistes approuvent un amendement, finalement rejeté, qui conteste « les arguments en faveur d'une action militaire ».

Le 27, Bagdad donne son « acceptation de principe » à la destruction des missiles Al-Samoud 2.

Le 28, tandis que 220 000 soldats de la coalition américano-britannique sont déjà déployés dans la région du Golfe, George W. Bush déclare dans un entretien à la presse, en parlant de Saddam Hussein: « Nous allons le désarmer maintenant. »

—  ENCYCLOPÆDIA UNIVERSALIS

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