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5-31 janvier 1989

France. Polémique à propos d'« affaires » politico-financières

Le 5, Pierre Bérégovoy, ministre de l'Économie, semble envisager la thèse d'un complot politique à propos des rumeurs qui entourent l'enquête ouverte le 14 décembre 1988 par la Commission des opérations de Bourse (C.O.B.), à l'instigation de son homologue américaine, la S.E.C. Il s'agit de déterminer si des délits d'initié ont été commis lors du rachat d'American National Can à sa société mère Triangle Industries par Pechiney, rachat annoncé le 21 novembre 1988. Les noms de plusieurs familiers du pouvoir sont en effet cités, en particulier ceux de Max Théret, ex-président de la F.N.A.C., proche du P.S., et de Roger-Patrice Pelat, ami intime du président de la République. Le premier reconnaît avoir acheté 32 300 actions Triangle, le second 10 000, mais tous deux se défendent d'avoir bénéficié d'informations privilégiées.

Le 13, Roger Fauroux, ministre de l'Industrie, affirme dans L'Express que l'offensive menée en novembre 1988 par Georges Pébereau, P.-D.G. de Marceau Investissements, avec l'aide d'autres industriels et l'appui de la Caisse des dépôts et consignations, contre le « noyau dur » de la Société générale, banque privatisée en juin 1987, serait « d'une tout autre gravité » que l'affaire Pechiney. La polémique se déplace ainsi à l'extérieur même du gouvernement. François Mitterrand et Michel Rocard expriment leur soutien au ministre de l'Économie.

Le 18, Europe 1 révèle le contenu d'un document de la S.E.C. faisant état d'une filière suisse dans l'affaire Pechiney : près de 140 000 actions Triangle y auraient été achetées par diverses institutions bancaires. Le parallélisme existant entre les transactions et le déroulement des négociations entre Pechiney et Triangle laisse supposer qu'un des négociateurs serait à l'origine des fuites.

Le 20, Alain Boublil, directeur de cabinet de Pierre Bérégovoy, démissionne afin de pouvoir mieux se défendre contre les accusations dont il est l'objet en raison de son amitié avec l'homme d'affaires libanais Samir Traboulsi, qui a servi d'intermédiaire aux dirigeants américains de Triangle lors des négociations.

Le 21, Le Monde affirme qu'un rapport confidentiel a été remis la veille au président de la République, révélant que Roger-Patrice Pelat a acquis 40 000 actions Triangle supplémentaires par des intermédiaires en Suisse et au Luxembourg.

Le 22, Alain Juppé, secrétaire général du R.P.R., évoquant devant le Grand Jury R.T.L.-Le Monde la dégradation du climat politique liée aux « affaires », se demande si les socialistes ne représentent pas « la gauche la plus pourrie du monde ».

Les 23 et 24, une controverse se poursuit entre l'Élysée et Le Monde, qui maintient son information malgré le démenti officiel, précisant que la « note » remise au président de la République provient des Renseignements généraux.

Le 26, François Mitterrand demande à Michel Rocard la publication du rapport de la C.O.B. sur l'affaire Pechiney. Le chef de l'État souhaite défendre la « renommée » et la « transparence » de notre place financière. Le même jour, Pierre Bérégovoy, entendu par la commission des finances de l'Assemblée nationale au cours d'une audience publique, promet que « toute la vérité sera faite ».

Le 27, à La Roche-sur-Yon, Michel Rocard dénonce le « détestable procès » fait par l'opposition, rappelant les scandales qui l'ont éclaboussée quand elle se trouvait au pouvoir.

Le 31, la C.O.B., convaincue de l'existence de délits d'initié dans l'affaire Pechiney, transmet le dossier à la justice, qui ouvre une information le 1er février. Cependant, le rapport de la C.O.B., qui met gravement en cause Max Théret sans déterminer l'origine des fuites, est rendu public.

—  ENCYCLOPÆDIA UNIVERSALIS

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