6-28 mai 2008
Liban. Accord politique et élection d'un président
Le 6, poussé par le chef druze Walid Joumblatt et la majorité parlementaire, le gouvernement de Fouad Siniora prend deux décisions contraires aux intérêts du Hezbollah: celle de limoger l'officier responsable de la sécurité de l'aéroport international de Beyrouth, le général Wafic Choucair, réputé proche du Parti de Dieu, qui est accusé d'avoir laissé le Hezbollah installer des caméras de surveillance dans la zone fréquentée par les personnalités; et celle de poursuivre les personnes impliquées dans l'installation par le Hezbollah, dans plusieurs régions du pays, d'un réseau parallèle de télécommunications qui est « illégal et porte atteinte à la souveraineté de l'État ».
Le 7, le Hezbollah engage une épreuve de force à l'occasion de la grève générale décrétée par la Confédération générale des travailleurs au Liban pour protester contre le coût de la vie. Ses militants bloquent les accès à l'aéroport et affrontent les partisans du Courant du futur, principal mouvement de la majorité politique sunnite dirigé par Saad Hariri.
Le 7 également, le mufti – sunnite – de la République, cheikh Mohamed Rachid Kabbani, accuse le Hezbollah d'avoir, « avec l'appui d'un pays étranger, et sous couvert de résistance [à Israël], transformé Beyrouth en caserne pour ses militants, d'avoir pris l'aéroport en otage et d'exercer un chantage sur le gouvernement ».
Le 8, les affrontements entre militants chiites et sunnites s'exacerbent. Tandis que le Hezbollah exige l'annulation des deux décisions du gouvernement, qualifiées de « déclaration de guerre », et l'ouverture d'un dialogue national, le Courant du futur réclame le retrait des hommes armés, la réouverture des routes bloquées et l'élection « immédiate » à la présidence de la République du commandant en chef de l'armée, le général Michel Sleimane, qui serait chargé d'ouvrir un dialogue national. La présidence de la République est vacante depuis novembre 2007, le Hezbollah boycottant les séances du Parlement.
Le 10, le Hezbollah prend le contrôle de la partie ouest de Beyrouth où les sunnites sont majoritaire et où le Courant du futur domine. Ses militants s'en prennent notamment aux médias favorables à la majorité. Ils lancent aussi des attaques dans la montagne du Chouf, fief traditionnel de la communauté druze.
Le 11, le gouvernement confie à l'armée le soin d'apprécier l'opportunité des deux décisions dénoncées par le Hezbollah. Celle-ci demande leur annulation.
Le 12, le calme revient à Beyrouth et dans la montagne druze, tandis que l'armée, demeurée neutre durant les affrontements, se déploie, exigeant le retrait des miliciens en armes et la remise des armes lourdes. Le bilan des cinq jours de combat s'élève à une cinquantaine de morts.
Le 13, alors que le Parlement échoue une nouvelle fois à se réunir pour élire le chef de l'État, l'armée annonce qu'elle interdira « toute apparence armée ou activité paramilitaire, en recourant à la force si nécessaire ».
Le 14, invoquant son « souci de l'intérêt national », le gouvernement annule les deux décisions à l'origine des troubles.
Le 15, la majorité et l'opposition acceptent la proposition du comité ministériel arabe, émanation de la Ligue arabe, d'entamer dès le lendemain des négociations à Doha (Qatar). Le Hezbollah lève le blocage des routes.
Le 21, à Doha, la majorité et l'opposition parviennent à un accord qui comprend trois mesures: l'élection « immédiate » d'un président de la République – le candidat consensuel Michel Sleimane –; la formation d'un gouvernement d'union nationale de trente portefeuilles – seize revenant à la majorité et onze à l'opposition, l'attribution des trois autres étant laissée à la discrétion du chef de l'État – et doté d'un mandat d'un an; l'adoption d'une loi électorale assurant une meilleure représentation communautaire par le biais de circonscriptions de petite taille, en vue de l'organisation d'élections législatives au printemps de 2009. L'opposition obtient ainsi la minorité de blocage au gouvernement, l'une de ses revendications dès l'origine de la crise, en décembre 2006. Elle lève aussitôt le camp de toile installé depuis cette date dans le centre de Beyrouth.
Le 25, le Parlement élit le général Michel Sleimane à la présidence de la République par 118 voix sur 127 – il y a 9 bulletins blancs ou nuls. Celui-ci rassure la majorité en s'engageant à ce que « la vérité soit faite et que justice soit rendue » dans le cadre du procès des responsables de l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri. Dans le même temps, il salue le « courage » et le « succès » du Hezbollah dans sa lutte contre Israël. Mais il affirme également que « les armes doivent être uniquement dirigées contre l'ennemi [et non] tournées dans une autre direction » – allusion aux récents combats interlibanais. Enfin, Michel Sleimane déclare vouloir établir avec Damas des liens fondés « sur le respect mutuel de la souveraineté et des frontières ».
Le 26, le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah déclare que son mouvement ne cherche pas à « prendre le pouvoir ou le contrôle du Liban, ni à gouverner, ni à imposer sa pensée ou son projet au peuple libanais ».
Le 28, le président Sleimane charge le Premier ministre sortant, Fouad Siniora, de former un nouveau gouvernement, après un vote du Parlement en ce sens.