6-31 août 2021
Afghanistan - États-Unis. Prise du pouvoir par les talibans
Le 6, les talibans s’emparent sans combattre de leur première capitale provinciale, Zarandj, à la frontière iranienne. Les jours suivants, ils prennent le contrôle de plusieurs autres capitales provinciales, parmi lesquelles Kunduz, le 8. Ils avaient entamé leur offensive en mai, alors que les forces américaines entamaient leur retrait du pays.
Le 9, le président Ashraf Ghani appelle la population « à la mobilisation et à l’armement » contre les talibans, après s’être entretenu avec des seigneurs de la guerre régionaux auxquels il a confié une partie de la défense du pays. De son côté, le porte-parole du Pentagone John Kirby affirme que « c’est aux Afghans de prendre leur destin en mains, c’est leur pays, c’est leur combat ».
Le 12, les talibans conquièrent Kandahar, dans le sud, et Herat, dans l’ouest, respectivement deuxième et troisième ville du pays. Le Pentagone annonce l’envoi de quelques milliers d’hommes à Kaboul pour superviser l’évacuation du personnel diplomatique et des ressortissants américains.
Le 14, les insurgés s’emparent de Mazar-i-Sharif, dans le nord, quatrième ville du pays. Le président américain Joe Biden avertit les dirigeants talibans que « toute action de leur part sur le terrain en Afghanistan, qui mettrait en danger le personnel américain […], se heurtera à une réponse militaire américaine rapide et forte ».
Le 15, les talibans entrent dans Kaboul et s’emparent du pouvoir dont ils avaient été chassés par l’intervention américaine en novembre 2001. Le président Ashraf Ghani fuit le pays. Des milliers de civils convergent vers l’aéroport de Kaboul dans l’espoir d’être évacués, ce qui donne lieu à des scènes de chaos et de panique. Jusqu’à la fin du mois, échéance prévue du retrait américain, plusieurs pays, au premier rang desquels les États-Unis, organiseront des opérations d’évacuation encadrées par une dizaine de milliers de soldats de diverses nationalités, dont six mille Américains, exfiltrant dans une grande confusion plus de cent vingt-trois mille civils occidentaux et afghans.
Le 16, dans une allocution solennelle prononcée depuis la Maison-Blanche, Joe Biden, critiqué pour avoir mis en œuvre le retrait américain du pays et pour n’avoir pas anticipé la victoire éclair des talibans, défend « fermement » ce retrait, tout en reconnaissant son caractère « difficile et désordonné ». « Aucune forme militaire n’aurait permis d’obtenir un Afghanistan sûr, uni et stable, connu dans l’histoire comme le cimetière des empires », affirme-t-il. L’objectif des États-Unis, rappelle-t-il, n’a jamais été de « construire une nation » en Afghanistan, mais d’« empêcher une attaque terroriste sur le sol américain ». Il met en cause l’accord de retrait militaire total conclu par son prédécesseur Donald Trump avec les talibans en mai 2020 et fustige les dirigeants afghans, « incapables de négocier pour l’avenir de leur pays », ainsi que les forces afghanes, dénuées de la « volonté de se battre pour cet avenir ».
Le 17, lors d’une première conférence de presse, le porte-parole du mouvement taliban Zabihullah Mujahid affirme : « La guerre est terminée, nous ne chercherons pas à nous venger. » De leur côté, les capitales occidentales déclarent qu’elles jugeront le nouveau régime sur ses actes et notamment sur le respect par celui-ci des droits humains.
Le 19, jour anniversaire de l’indépendance du pays vis-à-vis des Britanniques, les talibans annoncent la reformation de l’émirat islamique d’Afghanistan, fondé sur la charia. Une manifestation organisée à Kaboul par des femmes qui brandissent le drapeau afghan est violemment dispersée. Les jours précédents, des manifestations dans plusieurs villes du pays avaient fait l’objet d’une répression meurtrière.
Le 22, les talibans annoncent le lancement d’une offensive contre la vallée du Panshir, au nord-est de Kaboul, traditionnel bastion anti-talibans et dernière zone à leur résister, où s’est réfugié l’ancien vice-président du régime déchu Amrullah Saleh. Le Front national de résistance y est conduit par Ahmad Massoud, fils du commandant Ahmed Shah Massoud, héros de la lutte contre l’occupant soviétique, tué par Al-Qaida en septembre 2001.
Le 24, le G7 réuni en visioconférence sur l’initiative de Londres échoue à obtenir de Joe Biden le maintien de la présence des troupes américaines à l’aéroport de Kaboul au-delà du 31 août.
Le 26, deux attaques-suicides revendiquées par l’organisation État islamique au Khorassan (EI-K) provoquent la mort d’une centaine de personnes devant l’aéroport de Kaboul, dont treize militaires américains et deux soldats britanniques. L’EI-K affirme avoir visé un « rassemblement de traducteurs et de collaborateurs » de l’armée américaine.
Le 28, les États-Unis mènent une frappe de drone contre des membres de l’EI-K spécialisés dans les engins explosifs, dans la province de Nangarhar, dans l’est du pays. Ils annoncent la mort de deux djihadistes.
Les 28 et 29, des manifestants réclament la réouverture des banques. Celles-ci exigent préalablement le déblocage des fonds de la banque centrale gelés par les États-Unis.
Le 29, les Américains effectuent une nouvelle frappe de drone, près de l’aéroport de Kaboul, affirmant viser un véhicule conduit par un kamikaze de l’EI-K. Dix civils sont tués.
Le 29 également, une centaine de pays, dont les États-Unis, l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni, mais pas la Chine ni la Russie, publient un communiqué commun dans lequel ils affirment avoir « reçu des garanties de la part des talibans que tous les ressortissants étrangers, ainsi que tout citoyen afghan disposant d’une autorisation de voyager émise par [leurs] pays sera autorisé […] à quitter le pays.
Le 30, les derniers soldats américains quittent le pays, vingt-quatre heures avant la date prévue. Les talibans saluent leur départ par des manifestations de liesse. Le Conseil de sécurité des Nations unies adopte une résolution demandant aux talibans de respecter leurs engagements « en ce qui concerne le départ d’Afghanistan en toute sécurité des Afghans et des ressortissants étrangers ». La Chine et la Russie s’abstiennent.
Le 31, dans une nouvelle allocution solennelle, Joe Biden se félicite du « succès extraordinaire » du pont aérien mis en place pour évacuer les civils et évoque la nécessité de « mettre un terme à une ère d’opérations militaires majeures » et de changer de stratégie face à la menace terroriste.