7-28 janvier 1985
France. Proposition de « l'indépendance-association » à la Nouvelle-Calédonie et instauration de l'état d'urgence
Le 7, Edgard Pisani, délégué du gouvernement, présente son plan pour la Nouvelle-Calédonie. Il propose de soumettre à un référendum « la constitution de la Nouvelle-Calédonie en un État indépendant associé à la France dans les conditions prévues par l'article 88 de la Constitution ». Le calendrier élaboré par le haut-commissaire prévoit d'organiser le scrutin d'autodétermination dès juillet. Seuls participeraient à cette consultation les citoyens résidant dans le territoire depuis plus de trois ans. En cas de rejet de la formule d'indépendance-association, le statut du 6 septembre 1984 serait maintenu. Dans l'hypothèse inverse, l'indépendance pourrait être proclamée le 1er janvier 1986. Favorablement accueilli par les indépendantistes, le plan Pisani est vivement critiqué par l'opposition.
Le 11, la mort d'un jeune Européen de dix-sept ans, Yves Tual, tué par des Mélanésiens près de Bouloupari, à 80 kilomètres au nord de Nouméa, provoque la colère des caldoches. Des centaines de personnes se livrent à des saccages à Nouméa dans la nuit du 11 au 12.
Le 12, Eloi Machoro, secrétaire général de l'Union calédonienne, et l'un de ses lieutenants sont tués par des gendarmes qui encerclaient une ferme, à La Foa, où se tenait une réunion du F.L.N.K.S. Une polémique se développe sur les circonstances de la mort du « chef de guerre » indépendantiste : le F.L.N.K.S. qualifie d'« acte d'assassinat délibéré » l'intervention des gendarmes du G.I.G.N. Ces derniers soutiennent avoir reçu l'ordre de procéder à un « tir de neutralisation ». Edgard Pisani, devant cette flambée de violence, décrète l'état d'urgence sur le territoire.
Le 16, au cours d'un entretien télévisé sur Antenne 2, le chef de l'État annonce qu'il va se rendre en Nouvelle-Calédonie « pour soutenir les efforts de M. Pisani » et dire ce qu'il « croit être la raison ».
Le 19, François Mitterrand arrive à Nouméa. Il reçoit au siège du haut-commissariat les représentants de toutes les forces politiques et s'entretient avec Edgard Pisani, tandis que 25 000 personnes se rassemblent dans le calme pour manifester leur opposition à l'indépendance. Avant de regagner Paris, le président de la République annonce un renforcement de la présence militaire française sur le territoire et estime que « les fils du dialogue, que l'on pouvait craindre rompus, sont renoués ».
Le 22, Jean-Marie Tjibaou, président du F.L.N.K.S., arrive à Paris pour rencontrer les dirigeants des différents partis politiques. Mais les responsables de l'opposition refusent de le recevoir. Dans un entretien accordé au Monde, il réaffirme sa volonté indépendantiste mais déclare qu'il « ne souhaite pas le départ des Français ».
Le 23, le matériel roulant de la principale mine de nickel du territoire, à Kouaoua, est détruit par des inconnus. Après le sabotage des installations de Thio, cet attentat compromet la reprise de l'ensemble de l'activité économique du territoire.
Les 23 et 24, le Parlement se réunit en session extraordinaire pour examiner un projet de loi relatif à l'état d'urgence. Au cours de ce débat, Dick Ukeiwé, président du gouvernement territorial et sénateur R.P.R., qui commence, lui aussi, un séjour en métropole, présente au Sénat, le 24, son propre plan : il prévoit une autonomie élargie pour le territoire, qui resterait français. Il lance aussi un appel au dialogue entre tous les Calédoniens, « y compris en direction du F.L.N.K.S. ». L'opposition parlementaire approuve avec ardeur le plan proposé par Dick Ukeiwé, qui participe, les jours suivants, à des réunions publiques organisées par le R.P.R. à Paris et en province.
Le 25, l'Assemblée nationale approuve en troisième lecture le projet sur le rétablissement de l'état d'urgence. Seuls les députés socialistes votent le texte du gouvernement. L'état d'urgence, qui légalement avait dû être interrompu le 24, entre à nouveau en vigueur le 27, et ce jusqu'au 30 juin.
Le 28, six membres du F.L.N.K.S., auteurs ou complices des sabotages à la mine de Kouaoua, sont arrêtés. Cela porte à plus d'une centaine le nombre des militants indépendantistes emprisonnés depuis deux mois.