8-28 août 1996
France. Évacuation des « sans-papiers » africains de l'église Saint-Bernard
Le 8, le ministre de l'Intérieur Jean-Louis Debré annonce son intention de porter de deux à trois le nombre mensuel de vols charters destinés à renvoyer les étrangers en situation irrégulière dans leur pays. Il conserve une position très ferme au sujet des « sans-papiers » africains qui, depuis le mois de mars, réclament leur régularisation. Après la décision prise en juin par les autorités de régulariser une cinquantaine de situations seulement sur près de trois cents, les sans-papiers ont trouvé refuge, le 28 du même mois, dans l'église Saint-Bernard, dans le XVIIIe arrondissement de Paris, où dix d'entre eux observent une grève de faim depuis le 4 juillet.
Le 15, une messe de solidarité avec les sans papiers est célébrée dans l'église par le curé de Saint-Bernard qui a refusé de signer un ordre de réquisition de la force publique.
À partir du 17, date d'expiration du délai accordé aux sans-papiers non régularisés en juin pour quitter le territoire, des centaines de sympathisants se relaient devant l'église afin de prévenir toute intervention de la police.
Le 19, le président du groupe U.D.F. à l'Assemblée nationale, Gilles de Robien, préconise la constitution d'une mission parlementaire chargée d'« aider à la recherche de solutions humainement justes et légalement acceptables » pour les sans-papiers.
Le 20, l'ensemble des formations de gauche et d'extrême gauche signent, sur l'initiative du Parti communiste, un appel au président Chirac en faveur de l'ouverture de négociations entre le gouvernement et les sans-papiers.
Le 20 également sur l'initiative du chef de l'État, le gouvernement saisit le Conseil d'État d'une demande d'étude portant sur les modalités d'application des « lois Pasqua » de décembre 1993 relatives à l'immigration.
Le 21, à Paris, une manifestation réunit plus de huit mille personnes en faveur des sans-papiers.
Le 21 également, après s'être assuré du soutien de la majorité sur le sujet, Alain Juppé accepte de réexaminer les cas des parents non français d'enfants nés en France, des conjoints d'étrangers en situation régulière et des malades.
Le 22, le Conseil d'État rend son avis. Il confirme qu'il n'existe pas de « droit à la régularisation » et qu'aucun des intéressés ne dispose d'un droit au séjour en France. Mais, dans le même temps, il rappelle que « l'autorité administrative a le pouvoir [de] procéder » à des mesures de régularisation à titre exceptionnel. Le droit d'appréciation de celle-ci se trouve toutefois limité, selon le Conseil d'État, lorsque le demandeur est en situation de faire valoir son « droit à une vie familiale normale », lorsqu'il est le parent d'un enfant français, lorsqu'il peut se prévaloir de dix à quinze ans, selon les cas, de résidence en France ou lorsque son expulsion « peut avoir des conséquences d'une gravité exceptionnelle sur [sa] situation personnelle », et notamment sur son état de santé. Alain Juppé déclare que, « ... dans ces conditions, le mouvement [des sans-papiers] et, tout particulièrement, cette douloureuse grève de la faim n'ont plus d'objet ».
Le 23, la police fait évacuer l'église Saint-Bernard. Les jours suivants, alors que la confusion règne quant à la situation juridique des Africains interpellés, quelques-uns sont expulsés et quelques dizaines d'autres voient leur situation régularisée ou font l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière, tandis que la majorité reste dans l'incertitude quant à son sort.
Le 28, plus de quinze mille personnes manifestent à Paris contre les expulsions de sans-papiers.