Ashmolean Museum/ Heritage Images/ Getty Images
Giovanni Paolo Pannini, Capriccio. Huile sur toile,176 cm X 126 cm. Ashmolean Museum, Oxford, Royaume-Uni.Capriccio n'est pas l'œuvre la plus célèbre de Giovanni Paolo Pannini, mais elle est caractéristique à la fois d'un thème pictural, celui du caprice, d'un siècle, le xviiie, qui voit la redécouverte de l'Antiquité, d'une esthétique, celle des ruines, tout en s'inscrivant dans la continuité du genre de la vue topographique, la veduta, où s'illustrèrent différents artistes italiens qui, comme Pannini, eurent de leur vivant une renommée internationale, Canaletto, Guardi ou Bellotto. Composition peinte, dessinée ou gravée, le caprice est le fruit de l'imagination d'un artiste qui illustre ainsi sa capacité d'invention. Il est généralement constitué d'éléments architecturaux, imaginaires ou réels, et de personnages. On l'oppose à la veduta, qui se définit par son exactitude descriptive. Pannini fut aussi un védutiste célèbre, peignant notamment Rome, ses festivités, comme ces Préparatifs des feux d'artifice en l'honneur de la naissance du Dauphin, Piazza Navona. Ses architectures et ses monuments, comme l'église Sainte-Agnès ou la fontaine des Quatre Fleuves, œuvre de Bernin, servent de cadre à de nombreux groupes de personnages individualisés avec précision.Capriccio est proche par le style de cette grande composition, mais en est très éloigné dans l'esprit. La réalité décrite ici par Pannini est en effet purement imaginaire, ainsi que le montre, s'il en était besoin, le costume des personnages, qui semblent être des figurants de théâtre. La disposition des éléments architecturaux est d'ailleurs en elle-même très théâtralisée : le premier plan est ainsi occupé par les ruines d'une grande basilique antique, dont le jour traverse les voûtes écroulées, créant un clair-obscur qui contraste avec le fond, baigné de soleil. D'autres monuments sont artificiellement rassemblés : on reconnaît notamment le Colisée de Rome, la colonne Trajane qui se détache sur le ciel. La basilique est peuplée de statues monumentales, dont le célèbre Hercule Farnèse.Deux des plus célèbres tableaux de Pannini reprennent ce principe de la citation d'œuvres facilement identifiables par les connaisseurs, la Galerie des vues de la Rome antique et la Galerie des vues de la Rome moderne, dont l'architecture et la perspective sont d'ailleurs assez proches de celles du Capriccio. On reconnaît dans la première, à gauche, l'Hercule Farnèse, et, à droite, le Colisée figurant dans deux tableaux ; dans la seconde, la colonne Trajane, également représentée dans une peinture. Cet emploi de fragments antiques dans des compositions modernes sera largement utilisé par d'autres artistes, par exemple le peintre français, contemporain de Pannini, Hubert Robert dans cette vue de la Grande Galerie du Louvre en ruines, où l'on reconnaît, à gauche, L'Apollon du Belvédère, une autre statue antique très célèbre. L'imagination de l'artiste, qui compose à partir d'éléments connus une fantaisie imaginaire, est un autre moyen d'émouvoir le spectateur et de l'inviter à méditer sur la grandeur transitoire des civilisations passées.Auteur : Barthélémy Jobert