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Caspar David Friedrich, Deux Hommes contemplant la lune. 1819. Huile sur toile. 35 cm X 44 cm. Gemäldegalerie, Dresde, Allemagne.Par son sujet, par les thèmes qu'elle évoque, par son répertoire iconographique, Deux Hommes contemplant la lune est une œuvre caractéristique de Caspar David Friedrich, que l'on peut rapprocher de nombreux autres tableaux, plus connus, de l'artiste. Exécutée en 1819, alors que Friedrich est un artiste renommé en Allemagne, la toile a fait partie de la collection d'un autre peintre célèbre, Johann Christian Clausen Dahl, artiste norvégien et ami intime de Friedrich à Dresde, où les deux hommes étaient établis.Dans cette œuvre, Friedrich a représenté deux hommes vus l'un de dos l'autre de trois quarts, qui contemplent, à la clarté de la lune, un paysage montagneux et boisé. La scène est peinte avec un grand réalisme et une extrême simplicité de facture, qui met en relief les différents éléments de la composition : les rochers, le tronc de l'arbre mort, qui occupe toute la moitié droite de la toile et à la silhouette duquel fait écho la branche cassée du premier plan, des sapins à gauche. L'arbre mort est impressionnant, car il occupe tout l'espace de la toile, comme dans un autre tableau de Friedrich, L'Arbre aux corbeaux. La clarté lunaire, mystérieuse, jette sur l'ensemble une tonalité brune. Seul le vêtement, bleu-vert, des deux hommes apporte une touche colorée, relevée par le noir très franc de leur bonnet. Le spectateur est en quelque sorte invité à partager la méditation des deux hommes. C'est le même procédé qui est utilisé dans le célèbre Voyageur contemplant une mer de nuages. Friedrich l'a employé de manière assez systématique, depuis le Moine au bord de la mer, une de ses premières toiles, jusqu'aux Trois Âges de la vie, l'un de ses derniers grands tableaux.Sans faire de chacun de ses tableaux une énigme à décrypter, Friedrich les charge souvent d'un sens moins apparent que le spectateur attentif peut toutefois comprendre. Friedrich aime, par exemple, opposer l'arbre mort (le chêne, emblématique de la Germanie) à l'arbre toujours vert (le sapin, qui représente la foi chrétienne). Les deux hommes seraient donc engagés ici dans une méditation spirituelle. Le chemin tracé au centre est celui de la vie longeant un précipice – il est comme elle semé d'embûches –, mais la lune, symbole du Christ, guide le chrétien durant toute son existence.L'âge des personnages est également à prendre en compte. Selon certains témoignages de ses contemporains, l'homme mûr serait Friedrich lui-même et le jeune homme s'appuyant sur lui un de ses élèves, August Heinrich. Comme dans de nombreux tableaux de l'artiste, le discours général que délivre la toile n'est pas exclusif d'allusions plus intimes. Dans les Trois Âges de la vie, les bateaux sur la mer correspondent par leur taille aux différents âges de l'homme ainsi qu'à ceux des personnages sur la rive. Mais la toile contient aussi une allusion plus précise au peintre : celui-ci, parvenu au terme de son existence, prend congé de sa famille. C'est lui, Friedrich, le vieillard du premier plan, que l'on voit de dos, proche de la mort et du cercueil que symbolise la barque renversée sur la grève.Auteur : Barthélémy Jobert