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Charles Le Brun, Entrée d'Alexandre dans Babylone. 1661-1665. Huile sur toile. Hauteur : 4,50 m. Largeur : 7,07 m. Musée du Louvre, Paris.L'Entrée d'Alexandre dans Babylone fait partie d'un ensemble de quatre immenses toiles peintes par Le Brun entre 1665 et 1673, date à laquelle elles furent exposées au Salon, à Paris. Le Triomphe d'Alexandre, ou plutôt l'Entrée d'Alexandre dans Babylone, est la plus célèbre. Les autres représentent divers épisodes des campagnes d'Alexandre le Grand en Perse, Le Passage du Granique, La Bataille d'Arbelles, enfin Alexandre et Porus, autant d'allusions aux succès militaires de Louis XIV. Le Brun y déploie tout son talent de metteur en scène, habile à disposer les groupes au sein d'une composition à laquelle il imprime en même temps un certain mouvement. Il s'affirme dans ces toiles comme l'un des maîtres du classicisme français. Le sculpteur Pierre Puget, nettement plus marqué par l'art italien et plus proche d'un Bernin par exemple, choisira lui aussi de traiter un autre épisode connu de l'histoire d'Alexandre, Alexandre et Diogène. Daté de 1679-1689, ce bas-relief, postérieur à la peinture de Le Brun, est d'un esprit tout différent, beaucoup plus animé et dramatique.Le Brun a centré la composition sur Alexandre. Juché sur un char traîné par l'éléphant pris aux Perses vaincus, le roi macédonien domine le cortège de ses troupes entrant dans Babylone. Le char est lui-même orné d'une scène de combat. Alexandre tient à la main le bâton royal surmonté d'une Victoire. L'officier à cheval est peut-être son lieutenant, Héphaistion, ou le gouverneur de Babylone, qui a fait ouvrir les portes et donné l'ordre de brûler de l'encens dans les trépieds et de répandre des fleurs sur le sol. Alexandre est au milieu de son armée, à l'avant, on sonne la trompette, le butin pris à Darius l'accompagne. Le cortège, qui se dirige vers la gauche, passe devant la statue de la reine Sémiramis, tenant dans ses mains deux insignes royaux, le bâton et la grenade. Le fond de la composition est d'ailleurs occupé par les fameux jardins suspendus qu'elle a fait édifier, où la population de Babylone s'est massée pour contempler le cortège.Le Brun mêle dans cette œuvre deux des modes d'expression définis au xviie siècle : le mode « dorique », qui rend la majesté du triomphe, et le mode « ionique », plus détendu et joyeux, qui exprime l'allégresse de la fête. Au premier correspondent les attitudes retenues, l'importance de l'architecture, le mouvement général du cortège. Au second, le détail des figures, la richesse des vêtements, des ornements (ainsi ceux de l'éléphant), des bijoux et des objets précieux, la fumée de l'encens et les fleurs répandues sur le sol.Le Brun avait peint ces quatre tableaux sans qu'ils lui aient été commandés, mais il espérait qu'on leur donnerait un cadre digne d'eux dans les travaux ordonnés alors au Louvre et à Versailles. Pourtant, ce n'est qu'à la fin du xxe siècle qu'ils ont trouvé une place définitive au musée du Louvre. Mais, dans ces toiles, Charles Le Brun avait affirmé sa maîtrise et il allait bientôt accomplir son grand œuvre : le décor de la galerie des Glaces de Versailles, que l'Entrée d'Alexandre dans Babylone préfigure stylistiquement et symboliquement.Auteur : Barthélémy Jobert