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La Cène, P. de Champaigne

Philippe de Champaigne, La Cène. Vers 1652. Huile sur toile. 158 cm X 233 cm. Musée du Louvre, Paris.Philippe de Champaigne a peint La Cène, tableau de grand format, vers 1652 pour le maître-autel de l'église de l'abbaye de Port-Royal-des-Champs, haut lieu du jansénisme français au xviie siècle ; l'œuvre y restera jusqu'à la fermeture de l'abbaye, en 1709. L'artiste est lié de près à Port-Royal, où sa fille Catherine est religieuse. Il réalise d'autres œuvres directement liées à la vie de la communauté monastique, notamment un Ex-voto qui commémore la guérison miraculeuse de sa fille, en 1662, et qui la représente priant avec l'abbesse de Port-Royal, mère Agnès Arnauld, ou encore le portrait de Blaise Pascal. Champaigne est un des grands peintres religieux de son temps, comme le montre un tableau issu d'un groupe de quatre, à l'origine destiné à l'église Saint-Gervais de Paris, et qui représente un épisode tiré de la légende de saint Gervais et de saint Protais. Mais La Cène occupe dans son œuvre une place unique – la foi profonde de Champaigne y trouve en effet une expression formelle et stylistique particulièrement accomplie dans son dépouillement.L'artiste avait déjà exécuté, en 1648, une toile sur le même sujet pour l'église de l'abbaye de Port-Royal de Paris. Reprenant le modèle que le peintre flamand Frans II Pourbus avait établi en 1618, il choisit de représenter les apôtres assis autour du Christ instituant l'Eucharistie, dans un décor volontairement austère. Jésus, au centre de la composition, est entouré de saint Pierre à droite, de saint Jean à gauche. Au premier plan, de profil, à gauche, Judas, que l'on reconnaît à la bourse qu'il tient à la main (il était selon l'Évangile chargé de la bourse commune et il trahit Jésus pour de l'argent). En bas, l'aiguière, décalée sur la droite, et le bassin rappellent le lavement des pieds, antérieur à la Cène proprement dite. Les personnages se détachent sur le fond d'une draperie verte aux plis très apparents, repris dans ceux tout aussi réguliers de la nappe. C'est la couleur seule qui anime la composition, mettant en valeur l'expression particulière de chaque apôtre. Dans le tableau de Port-Royal-des-Champs, l'austérité est encore plus marquée : la draperie a disparu pour laisser la place à un fond sombre uniforme, l'apôtre du premier plan à droite ne présente plus le détail pittoresque d'une manche retroussée sur son bras nu. Le bassin a disparu, le tableau a gagné en dépouillement.Dans La Cène, le peintre a privilégié l'expression et la monumentalité par rapport à la vérité historique, contrairement à Nicolas Poussin, à peu près à la même époque. En 1647, en effet, pour peindre L'Eucharistie dans la série des Sept Sacrements, Poussin avait choisi de représenter les apôtres et le Christ allongés, comme c'était la coutume durant l'Antiquité pour prendre les repas.Auteur : Barthélémy Jobert