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Inaugurée en 113, la colonne Trajane marque l'achèvement d'un des ensembles monumentaux les plus grandioses de Rome. Le forum avait été construit à partir de 107, sous la direction de l'architecte Apollodore de Damas, entre les collines du Quirinal et du Capitole, pour célébrer les campagnes menées par l'empereur Trajan contre les Daces, habitants de l'actuelle Roumanie. D'une profonde originalité dans sa conception, sa structure et sa signification, la colonne est une création exceptionnelle. Les quelques colonnes commémoratives connues à l'époque républicaine n'ont en aucune façon l'ampleur et la richesse de ce monument, qui servira de modèle aussi bien pour la colonne de Marc Aurèle, quelques décennies plus tard à Rome, que pour celles de Théodose et d'Arcadius à Constantinople, à la fin du IVe et au début du Ve siècle.
Réalisée en marbre de Luni (dans la région de Carrare), haute de 100 pieds romains, soit une trentaine de mètres, elle repose sur une base décorée de trophées d'armes, destinée à abriter les cendres de l'empereur Trajan, dont la statue se dressait au sommet, à 40 mètres du sol. Signal érigé sur son tombeau, elle rappelait aussi, comme le précise l'inscription de dédicace, l'importance des travaux entrepris pour l'aménagement du forum. Placée le long de la basilique, entre deux bibliothèques, l'une grecque, l'autre latine, qui renfermaient sans doute des archives d'État, elle constitue à sa manière un rouleau illustré, dont les reliefs, formés d'une succession continue de scènes mettant en mouvement quelque deux mille cinq cents personnages, courent sur plus de 200 mètres autour du fût.
Depuis le sol, ou depuis les terrasses de bâtiments avoisinants, les spectateurs ne pouvaient sans doute distinguer qu'une partie des reliefs. La lecture des scènes était cependant facilitée par la polychromie des reliefs et par une composition très élaborée, qui avait créé sur la colonne des lignes de force verticales, le long desquelles revenaient des scènes identiques, et en particulier la figure de Trajan.
Les reliefs décrivent de manière narrative, avec un souci manifeste de précision documentaire, le déroulement des deux campagnes que l'empereur avait menées, en 101-102 et de 105 à 107, depuis le franchissement du Danube sur un pont de bateaux jusqu'à la déportation des Daces. L'introduction d'une grande figure de Victoire permettait, à mi-hauteur, une respiration entre les deux récits.
Si l'on ignore qui exécuta ces reliefs, celui qui les inspira, peut-être Apollodore lui-même, devait être une très grande personnalité artistique. Il s'attacha au rendu des détails du costume, de l'équipement et, plus généralement, du déroulement de chaque scène, qui garantissaient la véracité du récit, indispensable à un monument officiel. Mais il sut aussi faire apparaître des moments d'une grande intensité dramatique, comme la mort du roi Décébale et l'exil des vaincus. Il enchaîne les épisodes sans rupture, tout en opérant des raccourcis et en insérant dans la narration des ellipses éblouissantes. Jouant des déplacements de la lumière sur des reliefs peu accentués, pour leur donner vie et profondeur, le sculpteur avait assimilé les leçons de l'art hellénistique. Il accorda donc à l'espace toute son importance, par une superposition raffinée des plans et par la mise en scène des événements, dans des paysages pour lesquels il montre une évidente prédilection. Héritier de la tradition grecque, il marie ainsi parfaitement celle-ci avec l'esprit de l'art romain, et donne à la description des campagnes contre les Barbares, comme l'avait certainement souhaité l'empereur, un caractère historique immédiat, mais aussi une portée universelle.
Auteur : François BARATTE
Bibliographie :
S. SETTIS, A. LA REGINA, G. AGOSTI & V. FARINELLA, La Colonna Traiana, G. Einaudi, Turin, 1988.