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C'est en 1545 que Benvenuto Cellini, appelé en France par François Ier, s'arrête à Florence, où le duc Côme Ier de Médicis et son épouse, Éléonore de Tolède, le convainquent de rester travailler pour eux. Cellini leur proposa d'exécuter, pour la plus belle place de Florence, la piazza della Signoria, une statue en marbre ou en bronze. Elle devait rivaliser avec celles de ses contemporains ou de ses devanciers les plus célèbres, et lui permettre de s'imposer comme leur égal. Le David de Michel-Ange comme la Judith de Donatello y faisaient en effet l'admiration de tous. Les contemporains jugèrent ainsi le Persée de Cellini aussi bien pour lui-même qu'en référence à ces statues, ou à d'autres tout aussi admirées : le David et le Saint Georges de Donatello, ou encore le Saint Jean-Baptiste de Ghiberti.
L'œuvre de Cellini devait occuper la travée est de la loggia dei Lanzi, en pendant à la Judith de Donatello, dans la travée ouest. Côme Ier suggéra le sujet de Persée, vainqueur de la Méduse. Comme celui de Judith, il exaltait la liberté et la force d'âme que l'esprit invincible et immuable de ses citoyens avaient conféré à la République de Florence . pour reprendre des termes de l'époque. Le héros antique pouvait également lui servir d'emblème personnel.
Cellini soumit à son commanditaire un petit modèle en cire, aujourd'hui disparu, et, après de nouvelles discussions, se lança dans la réalisation de la statue, fondue à cire perdue. En mai 1548, la terre cuite de la Méduse était prête, et le noyau du Persée terminé. La Méduse fut fondue en juin, et le Persée lui-même, en décembre 1549, ce qui représentait, vu sa taille (plus de 3 mètres de hauteur) et la variété des détails, un véritable tour de force. Il fallut encore quatre ans au sculpteur pour achever l'œuvre, et en particulier son ciselage. Le jour où elle fut entièrement dévoilée, le 27 avril 1554, le succès fut unanime. Elle reste aujourd'hui l'un des chefs-d'œuvre les plus estimés de la Renaissance italienne.
De par sa situation, il était nécessaire que la statue soit visible de loin, mais il fallait en même temps qu'elle surprenne de près, et que soient ménagés des points de vue harmonieux des quatre côtés du socle. C'est pourquoi, comme en témoigne une esquisse en cire, Cellini adopta très vite l'idée de représenter aussi la Méduse, ce qui accentuait l'effet de pendant de sa sculpture avec la Judith de Donatello. De plus, l'artiste augmenta la taille prévue, et travailla le socle, orné de quatre figures se rapportant à l'histoire de Persée : Minerve, Jupiter, Mercure et Danaé. Un bas-relief y décrivait également l'histoire de Persée et d'Andromède, symbolisant Florence sauvée du désastre par l'héroïsme de Côme Ier (qui se fera plus tard représenter lui-même en Persée).
Par la suite, d'autres statues devaient s'ajouter sur la place à celle de Cellini : celle de Côme Ier à cheval, par Jean Bologne, ainsi que son Enlèvement d'une Sabine, et la Fontaine de Neptune de Bartolomeo Ammanati. Mais le Persée de Cellini est demeuré un sujet d'émerveillement. C'est à la fois l'un des chefs-d'œuvre de la sculpture maniériste et l'une des œuvres caractéristiques de son auteur, au même titre que la fameuse Salière exécutée pour François Ier.
Auteur : Barthélémy JOBERT
Bibliographie :
J. POPE-HENNESSY, Benvenutto Cellini, Hazan, Paris, 1985.